Franche-Comté

En suivant l’ordre chronologique de découvertes des régions, je poursuis mon tour de France et j’arrive à une autre bien belle province qui est la Franche-Comté.

Là encore, c’est avec le vieux Jean que j’ai découvert ce pays lors d’une croisière en canoë sur le Doubs et la Loue alors qu’à cette époque, se situant juste après la guerre, la pollution n’avait encore en rien abîmé les eaux de ces deux belles rivières.

Le Doubs pourtant, au début de notre voyage, était en forte crue et son eau avait la couleur de café au lait mais, à la fin des vacances, elle était redevenue d’une telle limpidité que je me souviens d’un jour de forte chaleur et de grande soif où je buvais à même la rivière en y puisant avec mon quart. Ce qui n’était sans doute pas des plus intelligents même à cette époque d’eau pure!

Ce fut une magnifique croisière ponctuée de camps dont la grande sauvagerie était encore renforcée par le fait qu’à ce moment les restrictions alimentaires subsistaient en France et que la recherche du ravitaillement tournait parfois à l’aventure. Je me souviens d’un jour où nous avions été sur le point de voler des pommes de terre dans un champ car nous ne trouvions rien à nous mettre sous la dent ce soir-là!

Après ce voyage, je suis resté longtemps sans revenir en Franche-Comté, qui est pourtant un paradis pour les randonneurs. Ce n’est que bien plus tard, lors de randonnées à pied ou à vélo, que j’ai eu la joie de retrouver cette belle province si riche en vastes espaces, en sauvagerie et en panoramas somptueux.

Bien des années après, c’est avec Françoise que nous sommes revenus et avons apprécié cette région qui oscille entre la forte chaleur de l’été et les rigueurs de l’hiver. Les environs de Mouthe ne sont-ils pas dénommés la Sibérie Française? Mais, le poète l’a dit: « le Jura est un escalier ». Et chacune des marches de cet escalier est plus ou moins marquée par les caractères extrêmes du climat continental de ce pays de contrastes.

Je me souviens d’une des dernières marches de l’escalier jurassien, la crête dominant le Val Mijoux d’un côté, et de l’autre, la vaste dépression du Lac Léman.

J’ai deux souvenirs et deux images bien différentes de ces hauteurs qui sont un belvédère magnifique.

L’une, toute de fureur, alors que ma tente était durement secouée par le mauvais temps, au-dessous du Col du Crozet, où j’étais monté après avoir déposé notre fils Pierre, encore adolescent, à un camp scout.

L’autre fois, au contraire, une image toute de paix et de sérénité, alors qu’avec Françoise et notre fille Claude encore célibataire, nous avions installé notre camp, un peu plus au sud, non loin du Grand-Crêt. Cette nuit-là, dans un calme parfait et sous un ciel d’une pureté absolue, la vue sur le Léman était féerique au clair de lune. Il faisait si beau que, laissant la tente aux deux femmes, je passai la nuit couché en plein air en compagnie du chien Dag.

Je commence, hélas, à être un peu trop vieux pour faire des projets de vastes randonnées en régions montagneuses, pourtant j’espère, une fois encore au moins, parcourir de façon patagonne ces crêtes aux panoramas si vastes.

J’ai déjà précisé que l’esprit patagon s’oppose à la forme de vie des « Mathieux » ces derniers étant rebutés par toutes formes d’efforts.

Quand je serai devenu entièrement cacochyme, il sera bien temps de me tourner vers des occupations de remplacement n’exigeant que peu de dépenses physiques. Pour le moment, si je ne suis plus en état de réaliser des randonnées au caractère trop athlétique, je suis encore capable d’en effectuer d’autres restant à ma portée. Alors, en choisissant un itinéraire approprié, je dois encore trouver dans cette belle région des choses agréables à admirer.

Il n’y a pas très longtemps, j’ai effectué une randonnée située à cheval sur la frontière franco-suisse, car la Franche-Comté a bien suffisamment de caractère pour s’imposer à la fois à deux nations différentes. Parti de Vallorbe, en Suisse, j’avais franchi le Col de Jougne près des Hopitaux-Neufs en France, par une température presque estivale alors que nous n’étions qu’au début d’Avril. Le lendemain, en sortant de ma tente dressée en bordure du Lac de Saint-Point, changement de décor! Non seulement je retrouve le paysage tout blanc, mais presque toute la journée je roulai dans des averses de neige plus ou moins fondue. Voilà les surprises du climat montagnard du Jura!

Très beaux souvenirs aussi de camps dressés aux environs de Chapelle-des-Bois, sous la neige encore, dans des décors forestiers de toute beauté. Ces camps sont parmi ceux, assez rares, que j’ai réalisés en employant les skis comme moyen de transport.