À pied ou autrement…

Ma philosophie de la randonnée étant précisée dans le chapitre précédent, il me faut maintenant préciser les formes qu’elle a revêtue pour moi.

À l’origine, mes randonnées furent surtout pédestres et faites avec l’ami Jean, le complice de la première heure: sac au dos et une bonne paire de chaussures aux pieds, nous avons parcouru bien des kilomètres et admiré bien des régions. Il est d’ailleurs probable que le randonneur à pied est celui qui découvre le plus complètement et, à coup sûr, le plus profondément un pays.

Mais, de nos jours, la vie moderne a transformé d’une façon sensible certains aspects de la France.

Aujourd’hui de vastes zones commerciales se sont largement développées, et malheureusement elles sont toujours bien laides. Et ceci même autour de certaines villes d’importance moyenne, ce qui a pour résultat de créer des parties d’itinéraires dont il faut bien dire que l’intérêt est négatif au point de vue de l’esthétique. Il n’est pas très exaltant de se promener pendant des kilomètres devant des façades de supermarchés ou les parkings qui les entourent…

Quant aux résidences secondaires, aspiration légitime de bien des citadins qui cherchent à s’évader de la ville pour passer des journées dans la nature, elles forment cependant, et de plus en plus, un tissu serré dans des zones réputées pittoresques. À cause de cette prolifération, ces endroits, auparavant agrestes, sont fâcheusement envahis par les constructions et, de ce fait, cessent souvent d’être agréables. En fait, ils perdent leur allure naturelle pour prendre de plus en plus des aspects de banlieues plus que de réelle campagne. Cela même si certaines de ces maisons nouvelles sont parfois harmonieuses quand on les regarde individuellement. Cela fait penser à la boutade d’Alphonse Allais qui préconisait d’édifier les villes à la campagne au prétexte que l’air y est plus pur…

On peut dire que le drame de ces régions trop jolies est de se retrouver envahies par des villas dont le nombre les prive, petit à petit de leur grâce initiale…

Et que dire des rivages maritimes où les estivants et les résidents de week-end ont multiplié les constructions jusqu’à la démesure… Et ne parlons pas des gigantesques marinas qui sont aux ports de naguère ce que les gratte-ciel sont aux chaumières!

Par contre, évolution positive à propos des bords de mer, les « gels immobiliers » consécutifs aux achats du Conservatoire du Littoral se multiplient depuis quelques années. Cette organisation a pour but de racheter des terrains ayant un intérêt écologique certain, soit pour leur faune, soit pour leur flore et d’en faire des sanctuaires à l’abri de l’appétit des constructeurs en tout genre.                                                                                                                                                                                            On rencontre, de plus en plus souvent, les pancartes où s’affiche le symbole de cet organisme, la fleur de chardon bleu, qui préserve ainsi bien des terrains de constructions abusives.  Bien sûr ces domaines sont presque toujours en principe, interdits au camping… Mais on ne peut pas gagner sur tous les tableaux et il vaut mieux avoir ainsi la possibilité de se promener dans de beaux endroits préservés par ce procédé contre une urbanisation partout envahissante à l’extrême.

Une autre disposition favorable à la randonnée est la loi, qui date, je crois de juillet 1976, et qui oblige les propriétaires des domaines bordant le littoral à réserver un sentier au bord de la mer et d’en laisser le libre passage à tout le monde. Grâce à cette législation, aujourd’hui la quasi-totalité des rivages français est ainsi ouverte aux randonneurs ou aux simples promeneurs sur des sentiers bordant la mer et s’étendant sur des milliers de kilomètres.

Le développement de ces sentiers de Grande Randonnée (plus habituellement abrégés sous l’appellation « G.R ») dont les marques blanches et rouges couvrent des longueurs impressionnantes de chemins en France, et également ailleurs du reste, est aussi un fait relativement nouveau, tout au moins en ce qui concerne l’importance prise par ces sentiers depuis les années soixante-dix.

Lors de nos débuts, nous repérant sur les vieilles cartes dites d’État-major aux hachures peu lisibles, nous suivions des sentiers encore souvent entretenus pour les cheminements des utilisateurs ruraux se déplaçant à pied, d’une ferme à un village par exemple.

Puis, après la guerre de 39-45, les vélos puis les cyclomoteurs et enfin les automobiles se sont généralisés si largement que ces chemins de piétons ont été abandonnés au profit des routes carrossables, plus longues à suivre mais plus faciles à utiliser pour des moyens de transport à roues. Les petites routes d’intérêt local sont encore restées longtemps agréables à suivre à pied là où les sentiers n’existaient plus. Puis, l’abondance des moyens motorisés les a rendues moins plaisantes…

Pour souligner cette évolution de la circulation routière dans notre pays, je me souviens parfaitement avoir randonné à pied, et d’une façon très agréable et dans une tranquillité parfaite, sur des routes nationales ou départementales dans les années cinquante… C’était, il est vrai, dans des régions un peu retirées. Mais de nos jours peut-on imaginer, par exemple, que la grande route reliant le Col de Turini à Sospel avait encore vers 196O une allure de chemin de montagne, était empierrée, non goudronnée et que l’herbe folle y poussait par endroits! Aujourd’hui, les voitures rapides des innombrables touristes et les multiples camions qui y circulent en ont fait une artère où la marche à pied a perdu son attrait en dépit de la grande beauté des points de vue qu’elle permet de découvrir.

Jusqu’après la Seconde Guerre Mondiale, il existait aussi un aspect des chemins vicinaux qui a disparu de nos jours: celui des tracés à trois sillons parallèles. Cet aspect des petites routes locales s’expliquait par le fait que les véhicules hippomobiles traçaient sur le sol une triple marque formée, pour les ornières externes, par les roues des charrettes, et pour la marque centrale, par les sabots des chevaux ou autres animaux tractant les attelages. Je me demande qui, parmi les jeunes générations, se souvient encore de cet ancien aspect des routes?

Ce n’est un petit détail mineur, mais il souligne bien le temps qui passe et le changement des choses.

Cette évolution explique que des associations de randonneurs se soient rendues très utiles en maintenant l’existence des sentiers sous la forme des G.R. qui ont de plus, la plupart du temps, le mérite de suivre les itinéraires les plus intéressants dans une région donnée.

Outre les G.R. qui maintiennent le tracé des anciens lieux de passages, il y a ceux, de plus en plus nombreux, créés uniquement dans un but touristique pour découvrir des sites quand bien même aucun chemin n’y passait auparavant. Ces réalisations ex nihilo vont de points de vue en curiosités, de villes pittoresques en gîtes d’étape, le tout pour le grand bonheur des amateurs de plein air… Même si, au début, les Patagons ont un peu méprisé les G.R. pour leur facilité qui remplaçait la recherche individuelle d’un itinéraire personnel, nous avons petit à petit adopté ce fil d’Ariane qui nous mène par la main à travers les aspects les plus beaux d’une province. Une forme de paresse peut-être, mais aussi la garantie de suivre le chemin le plus remarquable.

Entre les marques rouges et blanches et le topo-guide les complétant par des commentaires culturels souvent bien rédigés, le randonneur perd sûrement une partie du sens de l’aventure, mais, à tout prendre, on peut toujours ignorer cette facilité si l’on préfère construire son itinéraire tout seul.

Les G.R. ont aussi un aspect encourageant, en ce sens qu’ils indiquent qu’une partie de la population actuelle semble retrouver le sens de la nature et éprouver du plaisir à son contact.

Bien sûr, certains de ces sentiers deviennent un peu des « boulevards » trop fréquentés et, par exemple, celui du Tour du Mont Blanc est surencombré en été. Mais combien d’autres offrent des havres de tranquillité et de beauté pour les amoureux de la nature sachant choisir les lieux et les époques favorables…

Un autre avantage des sentiers G.R. est le fait qu’ils ont très largement élargi le nombre des randonneurs, parfois à l’excès sur certains parcours et je viens de le dire, mais ce genre de promeneurs est ainsi devenu une variété de touristes sortant de la marginalisation où ils étaient cantonnés dans la période faisant suite à la dernière guerre.

En effet, dans les années cinquante, aux yeux du public, il y avait peu de différence entre un randonneur et un chemineau voleur de poules! Je me souviens d’accueils plus que méfiants lors de certains contacts préliminaires dans des fermes où je me présentais pour demander à remplir un bidon d’eau ou négocier l’achat de lait ou de quelques œufs.

Deux souvenirs précis me reviennent à l’esprit. L’un en Auvergne, en 1947, dans un coin perdu des Gorges d’Avèze, une fermière qui était sans doute restée marquée par les réquisitions des maquisards me répondait, quelles que soient mes questions, par ces simples mots sans cesse répétés « Y en a plus! Y en a plus!… » L’autre fois, c’était en 1963 dans le Calaisis, alors que je me renseignais pour m’orienter, une femme terrifiée (par ma mine patibulaire?) me menaçait ainsi « Si vous ne partez pas, je lâche le chien… »  Pendant ce temps, un molosse gros comme un petit veau tirait sur sa chaîne à s’étrangler…

Maintenant les randonneurs sont devenus des touristes moins mal accueillis qu’auparavant parce que mieux connus et donc moins inquiétants. Ces voyageurs, qui se promènent sac au dos, constituent même parfois un appoint commercial intéressant pour certaines régions à l’économie chancelante. Voilà la raison pour laquelle le pedestrian, de nos jours, n’est plus assimilé d’une façon systématique à un hors-la-loi…

Personnellement, depuis une vingtaine d’années environ, je circule de plus en plus à vélo, ceci après avoir été un fervent du tourisme pratiqué en piéton.

Ce virage a été pris par moi pour éviter de m’éterniser dans les zones à l’intérêt très discutable que j’ai évoquées plus haut. Endroits qui, malheureusement, deviennent de plus en plus nombreux et étendus. La bicyclette est en effet un moyen presque aussi favorable que la marche à pied pour pénétrer l’intimité d’un pays et elle permet de traverser plus rapidement les parties sans intérêt touristique qui ne peuvent être évitées aussi bien conçu que soit un itinéraire…

Je pense souvent à une phrase de Jacques Faizan, cet auteur d’un merveilleux bouquin sur le cyclotourisme. Il y proclame fort justement, à propos des possibilités du vélo, que « le cycliste n’est pas un automobiliste déchu, mais un piéton miraculé… » Comme cela est vrai et combien se trouve ainsi dépeint avec justesse et poésie l’élargissement des moyens donnés par la modeste bécane aux plaisirs de la promenade!

Que de fois (et je l’avoue souvent alors que je roule dans une descente) je me suis dis: Je suis  vraiment un piéton miraculé!

Un aspect, relativement secondaire mais que l’on peut cependant évoquer, est la différence d’accueil que j’ai constatée de la part des personnes rencontrées. Lorsqu’il randonne en utilisant un vélo, le promeneur est, encore plus nettement qu’à pied, reconnu pour un touriste et non pour un traîne-savates plus ou moins douteux. Un inconnu qui se déplace sur une bicyclette est de ce fait classé dans la catégorie, sinon des capitalistes, du moins dans celle des gens pouvant se payer un peu plus que l’indispensable… Et, pour le commun des mortels, un individu d’apparence aisée provoquera toujours moins la méfiance qu’un personnage apparemment désargenté, d’où un accueil plus cordial. C’est un détail un peu ridicule, mais indiscutable et que j’ai constaté de façon certaine, moi qui ai pratiqué alternativement la randonnée pédestre ou cycliste.

Le vélo permet aussi de minimiser la charge de ravitaillement transporté. Même aujourd’hui, alors que la relative désertification des campagnes a supprimé beaucoup de ces petites épiceries de villages qui étaient la providence des randonneurs, à vélo il est bien rare qu’en pédalant une heure ou un peu plus, on ne trouve pas de quoi manger: magasin d’alimentation ou bistrot pouvant vous confectionner un casse-croûte. Alors qu’à pied, la distance à parcourir pour effectuer certains achats de nourriture sous-entend parfois un temps assez long. En effet, les fermes se sont faites plus rares dans les campagnes et le temps où l’on pouvait y acheter des œufs ou du lait est plus ou moins révolu.

Les épiceries et les bistrots rencontrés au hasard des routes sont chers à mon cœur et, à ce titre, je leur consacrerai plus loin un chapitre spécial car, à mes yeux ces modestes mais sympathiques établissements le méritent bien!

Il y a aussi un moyen de randonner très agréable en été: c’est le canoë ou le kayak. J’ai pratiqué ce style de croisières soit seul, soit avec des coéquipiers et même en mini-flottilles de deux ou trois embarcations.

C’est un assez bon moyen pour randonner avec des enfants. En effet, ceux-ci obligent souvent à transporter des bagages plus ou moins importants et si l’allégation « le canoë porte tout » n’est pas vraie entièrement, elle n’est cependant pas totalement dépourvue de fondement.

À moins que l’on se s’embarque avec le but bien précis de noyer sa marmaille, il faut bien évidemment choisir des cours d’eau assez calmes et prendre un minimum de précautions: des gilets de sauvetage sont indispensables par exemple. Je me souviens en passant d’une croisière faite sur la Loire avec des amis et leur fillette en bas-âge que nous avions encordée à son père faute d’appareil de flottaison approprié… C’était à dire vrai un peu aléatoire, mais c’était mieux que rien!

La randonnée nautique permet souvent de découvrir des aspects sauvages peu connus d’une région, les bords des rivières étant souvent plus ou moins préservés, sauf bien sûr dans les endroits où les résidences secondaires sont particulièrement nombreuses. Je pense à certaines zones envahies par des cabanes de pêcheurs en telle densité qu’on se prend à espérer une grosse crue purificatrice débarrassant le paysage de toutes ces horreurs!

Les pêcheurs constituent d’ailleurs une population plus ou moins antagoniste et donc opposée à celle des nautoniers. Étant personnellement amateur de ces deux activités, je suis persuadé que, dans la plupart des cas, pêcheurs et canoéistes pourraient vivre sans beaucoup se gêner mutuellement. Mais il n’est que trop vrai que la tolérance est malheureusement une vertu trop peu pratiquée…

En fait il n’y a guère que dans les rivières torrentueuses que la cœxistence est difficile: le passage des canoës et des kayaks est souvent peu discret du fait des manœuvres brusques imposées par le courant rapide et les obstacles rocheux. Or c’est justement dans ce genre de cours d’eau que l’on pêche des truites et autres salmonidés qui ont un comportement spécialement méfiant. On comprendra donc que l’arrivée d’embarcations bruyantes n’est pas considérée comme une bénédiction pour les chevaliers de la gaule…

Dans certaines de ces rivières sportives on a sagement partagé les journées en périodes de pêche et périodes de navigation: par exemple, tôt le matin et tard le soir, l’eau est réservée aux disciples de Saint Pierre et le reste du jour, elle appartient aux nautoniers. Cela évite bien des frictions…

La randonnée nautique a aussi un caractère particulier en ce sens qu’elle fait évoluer dans un monde à part: celui des rivières.

Il est différent de celui des campagnes, j’allais dire des terriens… Cela a pour conséquence une solitude souvent plus marquée et des contacts moins nombreux avec des tiers que l’on rencontre moins fréquemment qu’à pied ou à vélo. Selon son caractère, chacun réagira différemment à cela: un tempérament sociable le regrettera et un amateur de solitude s’en félicitera.

En tant que vétéran, on me pardonnera si je parle avec nostalgie des cours d’eau de jadis dont la limpidité était sans commune mesure avec celle des rivières d’aujourd’hui que les pollutions diverses transforment trop souvent en égouts à ciel ouvert. De ma jeunesse j’ai, par exemple, le souvenir des belles eaux claires de la Loire en Touraine où l’on voyait les graviers du fond par deux mètres de profondeur. Mais où sont les neiges d’antan?

Une autre caractéristique de la croisière est qu’elle ne peut guère s’effectuer qu’en période estivale ou au moins un peu chaude. En effet, quels que soient l’équipement et l’adresse du nautonier, celui-ci ne peut éviter de se retrouver plus ou moins mouillé ou, au mieux, dans une certaine humidité. Il va de soi que cela devient assez vite pénible par température froide. Tout le monde n’a pas le stoïcisme et la résistance d’un kayakiste esquimau!

Par contre, à mon avis, les autres formes de randonnées sont parfaitement praticables en toutes saisons, pour peu que l’on dispose d’un matériel approprié et que l’on s’organise en conséquence suivant la température.

Je ne conseillerais pas à un campeur débutant d’inaugurer cette activité par une froide et humide nuit d’hiver, mais pour un randonneur aguerri, l’été est loin d’être la seule période d’activité possible.

Pour moi, il y a d’ailleurs un plaisir particulier à me sentir dehors, bien équipé cela va sans dire, dans une nature que l’on sent peut-être un peu hostile mais que l’on découvre souvent belle et toujours plus sauvage qu’en été. On a aussi le plaisir de se retrouver dans un monde débarrassé de beaucoup d’importuns alors que le commun des mortels se claquemure frileusement chez lui. C’est alors que l’aspect sportif de la randonnée s’allie pleinement à son côté d’amour de la nature.

Pour qui apprécie tant soi peu la solitude, la saison dite « mauvaise » est certainement le moment le meilleur pour trouver et savourer la tranquillité.

Il est même des régions où une belle journée d’hiver constitue le moment privilégié pour les connaisseurs. Je pense à certains lieux où les touristes sont surabondants aux périodes des congés. J’ai ainsi des souvenirs merveilleux de rivages de la Grande Bleue que la foule rend odieux aux jours d’affluence et que j’ai parcourus sous la lumière un peu pâle d’un soleil de décembre dans une ambiance de quiétude inoubliable.

Pour les montagnards avertis, l’hiver est aussi la saison des raids à ski et passer la nuit sous un igloo doit être une expérience peu commune. Je n’ai jamais tenté cette aventure et ce n’est plus à mon âge que j’inaugurerai ce genre de couchage. Par contre il m’est arrivé une vingtaine de fois de monter ma tente sur la neige en montagne pendant l’hiver lors de sorties à ski, ou ailleurs au cœur d’une période enneigée.

Il s’agit de randonnées rudes exigeant une forme physique excellente et un matériel de premier ordre. Je dois dire que mes expériences personnelles de camping montagnard à ski ont rarement dépassé une durée de quarante-huit heures, ce qui rend les problèmes de matériel moins difficiles à résoudre puisqu’on retrouve assez vite chaleur et abri dans un chalet.

Ce genre de randonnées demande raisonnablement à ne pas être réalisé en solitaire. En effet, à ski une chute aux conséquences fâcheuses et plus à craindre qu’à pied et une simple entorse qui vous laisse en détresse dans la neige et le froid peut avoir des suites dramatiques.

On peut d’ailleurs dire la même chose des randonnées d’été en montagne si on les fait seul et surtout si on les pratique dans des régions le plus souvent désertes: la moindre des choses est alors d’avertir à l’avance des tiers attentifs à l’itinéraire que l’on compte suivre. Mais la solitude dans des entreprises un peu aléatoires reste toujours plus ou moins dangereuse cela va sans dire.

Enfin, il est une autre forme de randonnée que je n’ai jamais pratiquée, ce que je regrette d’ailleurs: il s’agit des chevauchées équestres. Bien que dans ce cas ce soit la monture qui fournisse le plus gros effort, je juge pourtant qu’il s’agit d’un moyen très honorable pour se déplacer et admirer la nature.

Le cheval permet en effet d’aller partout où l’on accède à pied, à peu de choses près et, dans certains cas, c’est même un procédé offrant des possibilités plus larges que celles du piéton, par exemple la traversée de zones un peu marécageuses ou le passage de gués.

Si je n’ai jamais réalisé à cheval des randonnées à proprement parler, j’ai cependant suffisamment pratiqué l’équitation de promenade pour apprécier la situation élevée dont bénéficie un cavalier pour observer les alentours. Non seulement il voit plus loin que debout sur ses petites jambes de bipède, mais encore les animaux sauvages sont généralement moins effrayés par l’arrivée d’un cavalier que par celle d’un homme à pied. Le gibier a sans doute remarqué qu’un cavalier n’utilise pas de fusil et se révèle donc moins dangereux qu’un piéton, toujours chasseur potentiel. À moins que l’odeur du cheval dissimule celle du cavalier… Je n’ai pas d’explication précise à fournir sur ces faits, mais je les ai remarqués de façon certaine et absolument indiscutable.

Par contre, je pense que la question des lieux de camps n’est pas toujours facile à résoudre pour un randonneur équestre, tout au moins dans un pays comme la France où les espaces réellement sauvages sont rares et où l’herbe appartient toujours pratiquement à un propriétaire soucieux de préserver son bien. Je pense cependant qu’un cheval peut, sans problème, transporter son picotin en plus du matériel du randonneur et cela donne alors une solution à la question de sa nourriture.

Il me semble pourtant que, le plus souvent, les randonnées équestres se pratiquent en ayant recours aux gîtes spécialisés pour y passer la nuit. Cela permet sans doute des contacts sympathiques avec les responsables de ces relais ou avec les autres cavaliers que l’on peut y rencontrer, mais cela est à mes yeux, peut-être trop sévères, une entorse au principe de l’autosuffisance du vrai randonneur.

La tente ou le bivouac sont pour moi un impératif lié au concept de la randonnée, autrement on a affaire à des promeneurs ou des voyageurs, ce qui n’est pas indigne bien sûr, mais ce qui est différent.

Être ou ne pas être un Patagon!