Bretagne

Je vais maintenant sauter à l’autre bout de la France et parler de la Bretagne.

Curieusement, c’est une province qui, bien que située de façon pas très lointaine de la capitale et fort connue des touristes, ne fut découverte par nous qu’assez tardivement. La première randonnée bretonne, si elle remonte assez loin (lors de mon service militaire) ne fut suivie d’une autre qu’une vingtaine d’années plus tard!

Étant soldat, j’avais obtenu une permission de quarante-huit heures sous un prétexte totalement imaginaire de fiançailles. C’était d’ailleurs un procédé que je renouvelais classiquement à chaque changement de garnison donc de chef de corps…

Ce fut à cette époque une randonnée ultra-rapide dans le Morbihan, plus précisément dans la presqu’île de Rhuys, car je ne passai sur place qu’une vingtaine d’heures.

Je découvris donc ainsi la Bretagne pour la première fois, tout au moins en Patagon, pour cette balade d’une grande sauvagerie entre Saint-Gildas-de-Rhuys et le Château de Suscino. À cette époque d’immédiate après-guerre, les résidences secondaires et autres constructions n’avaient que peu défiguré les rivages bretons et, même au mois d’Août, la solitude existait encore sur ce littoral: bref ce fut une très belle randonnée.

Ce n’est qu’en mars 1967, près de vingt ans après, que la Bretagne fut visitée de nouveau par les Patagons.

Dans l’intervalle, Françoise était devenue ma femme et, à deux, nous fîmes une randonnée, pédestre à l’aller et cycliste au retour, dans le Finistère entre le phare de la Vierge et Brignogan. Ce furent de très beaux camps en bordure de mer et d’une étonnante sauvagerie, notamment celui de Créac’h An Avel dont la consonance du nom était déjà une garantie de dépaysement à lui seul…

Nous attendîmes encore une vingtaine d’années pour, en Juin l986, revenir et joindre notre itinéraire précédent à la ville de Morlaix, toujours en longeant la côte selon la technique que nous avons baptisée « méthode du crabe » en référence à cet animal marin qui ne s’éloigne jamais beaucoup de l’eau.

Par contre, depuis 1989, il n’y a guère d’année où la Patagonie n’ait fait de retour en Bretagne: avec Françoise ou seul, à pied ou à vélo, cet attachant pays du bout de la France a servi de toile de fond à bien des promenades.

C’est en octobre l994, à quelques jours de mon soixante-dixième anniversaire, que j’ai terminé le tour des côtes bretonnes par une escapade à Belle-Île et le tour du Golfe du Morbihan, ce dernier découvert par moi quarante-six ans auparavant!

Mais ce n’est qu’en février 1995 que je terminai réellement ce périple des côtes bretonnes par une jonction de Saint-Brévin-les-Pins à La Rochelle, ce dernier tronçon étant partiellement breton à travers la Vendée.

Par la même occasion, je bouclai ainsi le dernier maillon d’une chaîne de randonnées unissant sans interruption la Hollande, au nord, à l’Espagne, au sud, un ensemble qui représente un nombre respectable de kilomètres et qui, surtout, correspond pour moi à bien des camps mémorables…

Nous n’avons pratiquement pas de randonnées à notre actif en Bretagne intérieure, c’est-à-dire à plus d’une dizaine de kilomètres dans l’hinterland: la faute en est à notre « méthode du crabe » et aux rivages bretons si beaux que nous avons toujours négligé l’Argoat au profit de l’Armor! Un jour sûrement cette lacune sera-t-elle comblée… Mais la vie est trop brève et l’âge coupe les ailes à bien des projets ou des rêves.

Je terminerai ces lignes consacrées à la Bretagne en m’inscrivant en faux au sujet du cliché défavorable que certains appliquent au climat local. Les Bretons, quant à eux, disent d’ailleurs très joliment: « Chez nous, il fait beau plusieurs fois par jour… » D’ailleurs, en plein été, quelques nuages bretons se révèlent bien plus dynamisants que les grosses chaleurs estivales que certains fous vont chercher au cœur du mois d’Août sur la Côte d’Azur…