Dès que l’on gribouille quoique ce soit sur un papier, cela fait sérieux de le dédier à quelqu’un.
Je vais donc sacrifier à ce snobisme ; mais, à qui dédier ce recueil sans prétention ?
J’avais d’abord pensé à le dédier à un Maître es Pêche, ce qui fait sérieux ; à une dame défunte, ce qui fait romantique ; à un camarade, qui s’en ficherait éperdument ; ou encore à des initiales mystérieuses, ainsi qu’il est d’usage quand on veut intriguer son monde.
A la réflexion, il le sera aux Poissons, à qui je dois bien cette maigre compensation pour les grandes joies qu’ils m’ont donnés et me donneront encore, je l’espère.
C’est donc pour vous que j’écris, poissons des fleuves ou des lacs, des ruisseaux ou des étangs, de la rivière comme de la mer, que vous soyez baptisés « poisson de sport » ou « coarsefish », et, en vous disant merci pour toutes félicités que je vous dois.
Introduction
A vrai dire, l’idée d’écrire ce recueil ne vient pas de moi, mais d’un camarade, dont j’ai lu les comptes-rendus de sorties halieutiques.
J’en fus enthousiasmé. Notamment, à la lecture de séances de pêche que nous avions faites ensemble, et dont bon nombre de détails m’étaient sortis de la mémoire.
J’acquis, ainsi, la certitude que l’on oublie trop vite faits – même assez marquants – de sa vie de pêcheur. Quel dommage !
Aussi, ceci est surtout un aide mémoire destiné à prolonger mes joies de discipline de Saint-Pierre, où je pourrais feuilleter mes souvenirs, qui, sans lui, auraient pu s’effacer de mon esprit. J’y emploierais souvent le « je » et le « moi », décrétés haïssables, mais qu’importe ! L’essentiel, pour moi, ne sera pas de faire de la littérature mais de consigner des souvenirs ; et comme je serais, après les poissons, le principal acteur de ces récits, je serais bien obliger d’user, assez souvent, de la première personne du singulier.
Je ne narrerais pas toutes mes sorties, ni forcément les meilleures ; mais les plus caractéristiques, les plus aidées à décrire.
Malheureusement, je ne me sens pas de taille à transposer, sur le papier, l’extrême félicité et le doux enthousiasme que je ressens, presque toujours, au bord de l’eau, quand je trempe du fil.
J’essaierais de donner une idée de paysages où se situent l’action, mais je crains fort d’y être malhabile, car tant d’écrivains, autrement bon rédacteurs que moi, l’ont déjà fait, que ce que je pourrais dire fera « cliché » ou « pompier ».. On a tant parlé des « prairies émaillés de fleurs », « du murmure cristallin des sources », du « frisson du feuillage », que j’aurais bien du mal à dire, à ce sujet, quelque chose de tant soit peu poétique qui ne soit pas du ressassé. Et pourtant, comment parler pêche sans parler poésie ?
Mais encore une fois : tant pis ! J’écris pour moi et non pour les autres et recherche, surtout, la franchise.
Bernard Van Leckwyck