Midi

Car c’est maintenant du Midi que je veux parler.

Étant jeune homme, j’ai pratiqué pendant plusieurs années, au printemps, ces régions qui m’ont laissé dans le cœur des images de lumière.

Tous les météorologistes vous le confirmeront: le printemps est certainement avec l’automne, une des deux périodes de l’année où la région méditerranéenne reçoit le plus de précipitations. Pourtant, de tous ces printemps méridionaux connus par moi, je ne conserve que des souvenirs ensoleillés… Mais n’est ce pas le propre de la mémoire de ne retenir que les moments les meilleurs de la vie? C’est dans tous les cas ma réaction personnelle.

Je viens d’évoquer mes invraisemblables débuts à ski à Auron et mon prompt abandon de ces planches problématiques pour la randonnée pédestre.

C’est donc à pied, sauf un très court intermède de marche en raquettes au Col d’Allos, que j’ai découvert les Alpes de Haute-Provence qui d’ailleurs, à cette époque, s’appelaient encore les Basses-Alpes sans qu’alors on souffrît en aucune manière de ce nom que d’aucuns ont pourtant jugé péjoratif. Il est vrai qu’alors la Seine-Maritime était encore la Seine-Inférieure, que la Loire-Atlantique se nommait Loire-Inférieure et que les Basses-Pyrénées ne s’étaient pas encore avisées qu’elles étaient Atlantiques! Peut-être qu’un jour tous ceux qui se morfondent sous le nom de Petit se feront-ils appeler Legrand et je ne parle pas, par discrétion, des Lehideux et des Ducon…

Mais j’en reviens au Sud-Est de la France où, à travers les Alpes-Maritimes, les Alpes-de-Haute-Provence, le Var et les Bouches-du-Rhône je découvris les séductions de la Provence. Ainsi, plusieurs années de suite au printemps, je dégustai le plaisir de mêler l’âpreté du Haut-Pays de la Provence à la douceur de son rivage au long de la Grande Bleue.

Le tout fut jalonné de camps inoubliables parmi lesquels je retrouve, au hasard et en ordre dispersé, mes installations pour une nuit dans les Clues de Barles au bord du torrent Bès qui semblait chanter pour moi tout seul, celle au fond du Canon du Verdon aux parois vertigineuses qui me dominaient. Mais il y eut aussi mes camps situés aux abords du village-fantôme du Poil, dont les ruines solitaires dormaient près de ma tente, sur les rochers du Cap de la Bonne-Terrasse dans l’anse de Pampelone, alors de la Baie de Saint-Tropez n’était pas encore devenue une plage grouillant de monde, dans l’Anse du Petit-Caneiret, qui est une des rares d’installation possibles en bord de mer dans l’Esterel, à l’aven de la Nouguière dans le Grand Plan des Canjuers avant que celui-ci ne soit englobé dans le terrain militaire actuel. Cette nuit-la, ma seule voisine de la soirée fut une huppe fasciée voletant près de ma tente.

Et bien d’autres beaux endroits encore…

Pour bon nombre d’entre eux, ces camps sont devenus impossibles à réaliser aujourd’hui du fait de la redoutable urbanisation de cette région trop belle pour ne pas être envahie par les résidences secondaires, les immeubles collectifs, sans parler des immenses ports de plaisance et autres marinas…

Plus vers le sud-ouest, je n’oublierai pas de sitôt ma randonnée cycliste partant du Lubéron pour atteindre la frontière d’Espagne en Catalogne en traversant la sauvage Camargue, le Languedoc et le Roussillon.

Tout ne fut d’ailleurs pas confortable dans ce voyage: je veux parler non seulement des moustiques qui n’étaient pas une surprise, surtout à cette époque datant d’avant la démoustification du Languedoc, mais aussi d’une autre variété d’insecte. Desquels s’agissait-il? De ces minuscules petits moucherons, à peine visibles à l’œil nu, mais qui ont un pouvoir de harcèlement et une force urticante tout bonnement incroyable eu égard leur taille minuscule. Ils furent par la suite baptisés par nous du nom de « vampcas » contraction de l’expression « vampires camarguais ».

Là aussi, j’eus la chance de découvrir ce rivage languedocien avant l’urbanisation galopante des années soixante-dix et ce fut ainsi l’occasion d’installations de camps devenus impossibles à réaliser aujourd’hui. La route côtière était à l’époque un tracé incertain au long d’un rivage désert, car la Grande-Motte n’existait pas, Gruissan n’était  encore qu’un village de pêcheurs et seule Palavas-les-Flots affichait ses prétentions de station balnéaire.

Parmi ces camps d’un autre temps, je revois ma tente dans le sable du rivage près du phare de l’Espiguette, ou bien dressée derrière un muret d’un champ au Cap Leucate ou encore blottie dans une oliveraie dominant le site merveilleux de Collioure au flanc du Puig Auriol.

Françoise et moi avons retrouvé plus tard ce Languedoc littoral au Grau-du-Roi, au terme d’une randonnée cycliste dont le départ était situé, astucieuse paresse, en altitude en haut de la Corniche des Cévennes.

Quelques années auparavant, c’est à pied que, partant de Florac et tous deux accompagnés de notre ami Dag le chien campeur, nous avions parcouru la Crête des Cévennes par le G.R. aux panoramas innombrables.

En remontant encore plus loin en arrière dans le temps mais dans la même région, au départ de Florac également, c’est en canoë que nous avions découvert les Gorges du Tarn.

À l’époque, Françoise était enceinte, mais cela ne nous empêcha pas de faire une très belle croisière et d’installer des camps splendides sur les bords de cette belle rivière.

Celui au lieu-dit Les Détroits fut le plus mémorable, autant pour la sauvagerie du site que par le fait que nous avions trouvé une vipère sur la plage où nous montâmes notre guitoune. Bien sûr notre soirée s’en trouva un peu crispée, il faut le reconnaître!

Mais bon nombre d’autres camps d’ambiance plus détendue furent réalisés au cours de cette croisière pendant laquelle nous eûmes le plaisir de pêcher des truites, poissons prestigieux pour nous qui résidons habituellement dans des régions aux eaux polluées où ces reines de la rivière sont absentes.