Quittons maintenant la Normandie pour évoquer d’autres souvenirs dans une province qui lui est limitrophe: la Picardie. C’est une région assez vaste et variée dont certaines limites méridionales se confondent avec l’Ile-de-France dont j’ai parlé par ailleurs.
Le littoral picard est, au sud de l’estuaire de la Somme, assez semblable à celui de la Normandie voisine et annonce, au nord de ce fleuve, les vastes plaines du Nord.
Je n’ai fait que trois ou quatre randonnée au long de ce rivage de la Picardie Maritime et elles m’ont d’ailleurs laissé de bons souvenirs en particulier parce que je les ai menées hors saison alors que les amateurs de plage étaient absents.
L’une d’elles fut effectuée lors du rigoureux hiver de 1963 alors que la mer était gelée au long du rivage sur une largeur de plusieurs centaines de mètres: impressions de solitude et de dépaysement garanties! Quelle étrange impression aussi de côtoyer une mer que le gel avait rendue immobile et surtout silencieuse.
Une autre fois aussi, très beau camp au sommet d’une dune, non loin du Hourdel, petit port de l’embouchure de la Somme. Un peu plus dans l’hinterland, se trouve Saint-Valéry-sur-Somme qui est pittoresquement situé sur une des rares éminences littorales et dégage un joli point de vue sur l’estuaire et sur ce plat pays. La petite ville elle-même ne manque pas de caractère avec ses rues étroites bordées de maisons de briques qui annoncent l’architecture de la France Septentrionale.
Autre souvenir de la Picardie: cette randonnée faite derrière les dunes bordant le rivage au nord de Berck sur Mer. Je roulais à vélo sur un chemin de viabilité incertaine, quand une pancarte m’annonça que j’entrais dans une propriété privée. Peu soucieux de faire demi-tour, je poursuivis cependant ma route et finis par déboucher… dans le parc d’une somptueuse villa! Heureusement le portail était resté ouvert ce qui me permit de m’esquiver avec une prompte discrétion…
Le reste de la Picardie connue par moi est surtout constitué par les régions au nord de Paris et que j’ai déjà plus ou moins évoquées en parlant de l’Ile-de-France dont les limites précises ne sont pas toujours évidentes.
Parmi les souvenirs des forêts de Chantilly et Senlis, il y a pas mal de réminiscences de virées très anciennes faites avec l’ami François alors que lui et moi habitions dans des domiciles proches du nord de la capitale ce qui rendait ces régions d’un accès assez facile. François avait d’ailleurs plusieurs attaches familiales dans ce coin ce qui nous valu des sorties dans cette région dont j’ai conservé des images fleuries à la suite de randonnées printanières faites au moment de la saison des jonquilles.
C’est aussi entre Beauvais et Clermont de l’Oise que j’ai réalisé ma dernière virée commune avec l’ami François alors que, devenus pères de familles d’âges déjà respectables, nous nous étions retrouvés pour une sortie hivernale, assez largement arrosée de pluie. Je nous revois tous les deux mangeant debout un casse-croûte plus ou moins vaguement abrités du vent et de l’averse au long du mur d’une église… Par contre, en fin de journée, nous avions profité d’une accalmie du mauvais temps pour installer notre tente dans un endroit très harmonieux. En effet, ce soir-la, notre tente était blottie dans des bosquets d’une friche du Mont César, belle butte dominant la vallée du Thérain près du village au patronyme significatif de Froidmont.
Autre souvenir historique situé presque exactement au même endroit: une sortie avec le vieux Jean et son fils Bernard. C’était la première fois que les deux générations de « cousins » Blier effectuaient une randonnée commune avec moi (si l’on excepte la randonnée montagnarde en Tarentaise remontant à l’époque où Jean et Marcelle étaient partis avec moi en transportant sur les épaules leur fille Annette alors âgée de deux ans environ…) C’est lors de cette randonnée en Picardie que nous avons testé une recette de cuisine qui n’émerveilla pas les foules: des betteraves fourragères cuites dans les braises de notre feu de camp!
Encore un très ancien souvenir dans ce coin: celui d’une randonnée hivernale en forêt de Senlis avec l’ami Jean. Nous étions partis de Paris pour gagner à moto notre base de départ pour une randonnée pédestre autour de la Mer de Sable qui, à l’époque, n’était pas l’espèce de parc de loisirs de style « Bheurrkland » qu’elle est devenue maintenant.
Il faisait un froid sévère et, en descendant de notre machine, nous étions assez bien frigorifiés. Jean, qui était sur le siège arrière, était moins touché que moi qui pilotais l’engin, mais, en ce qui me concerne, je me souviens que j’avais le visage refroidi au point de ne pouvoir articuler mes mots qu’avec difficulté. La nuit suivante, notre bidon d’eau gela sous la tente…
La partie orientale de la Picardie n’est pas sans charme avec la verdoyante vallée de la Haute Oise. Je l’ai remontée à vélo depuis Saint-Quentin jusqu’en Belgique.
J’étais sorti de France par le Pays de Thiérache aux curieuses églises fortifiées qui soulignent les souvenirs du passé moyenâgeux alors que la région était peu sûre: passages d’envahisseurs divers ou bandes de brigands sans foi ni loi.
Mais, sans remonter si loin dans les images sombres, la Guerre de 14-18 a largement marqué la Picardie et les souvenirs tragiques de cette grande tuerie y sont trop présents pour que l’on jouisse sans arrière-pensées attristées des paysages rencontrés. Et puis il y a les villages aux maisons trop neuves et reconstruites sans beaucoup de grâce dans le style des années 20. Et ne parlons pas des cimetières militaires…