Ouverture en canadienne
Incroyable mais vrai !
Hier c’était l’ouverture (faut-il préciser que c’est de l’ouverture de la pêche que je parle ?). J’étais dans une campagne où coule une rivière agréable dans laquelle se trouve du poisson, et je n’ai pas pêché !
Je n’avais jamais imaginé qu’aucun événement autre que tremblement de terre ou typhon ait été capable de me faire manquer l’ouverture dans de belles conditions. Et pourtant, cela est, je n’ai pas pêché !
Mais vraiment hier et ce matin les événements se sont ligués pour m’empêcher de tremper du fil dans l’eau. Il est vrai que mon étourderie y était pour une certaine part. Voici les faits :
D’abord, hier, des courses à faire à Mantes, courses auxquelles je n’ai pu, humainement, me dérober. Je me suis consolé de commencer un jour plus tard en voyant le vent qui a soufflé très fort toute la journée et qui a dû rendre l’ouverture bien inconfortable ; de plus, le soir, les comptes-rendus désillusionnés des confrères ont encore apaisé mes regrets.
Ici, je dois ouvrir une parenthèse, pour rappeler que, cette année, il a couru bien des bruits divers sur l’ouverture de la pêche. Des journaux l’annonçaient avancée de 15 jours ou 3 semaines : j’ai dressé l’oreille. La radio l’a démenti j’ai pris note. Puis presque, tout le monde pêchait quand même (tous les pêcheurs je crois, en effet, sauf moi). Bref, j’ai, de bonne foi, attendu jusqu’au 7 juillet, pour rien d’ailleurs, Jean Blier m’ayant affirmé avoir entendu la radio démentir son démenti. Quelle salade ! Mais revenons à la matinée du 8 juillet, lendemain de la vraie fausse ouverture.
Je décide de partir de bonne heure : 6 ou 7 heures pour voir le brouillard sur la Seine et prendre, ou, du moins, essayer de prendre, quelques photos artistiques avant ou pendant la pêche.
Quand, patatras ! Douche froide sur ma joie !… Tout simplement ceci : mes affaires de pêche, sauf ma canne, sont à Paris et non ici ! Je passe donc mon temps jusqu’à environ 10 heures ½ à aller à droite et à gauche pour réunir des articles de pêche. Ce qui me donne le plus de mal à trouver ce sont les hameçons et les plombs… Enfin, j’en découvre chez le maçon Molot.
Il me faut aussi chercher deux permis de pêche, Vétheuil chevauchant, pratiquement, sur deux cantons administrés par des sociétés différentes. Encore un détail que j’avais oublié… Quelle tête sans cervelle ! Donc course en vélo à Chantemesle pour l’obtention d’un permis…
Enfin, cet après-midi m’y voici quand même à la pêche… Et pour cet après-midi, seulement, car demain je pars à Paris pour 8 jours. Ceci et mes tribulations précédentes me font goûter pleinement la détente du moment.
Mon canoë canadien (un cadeau d’une semaine seulement) glisse sur l’eau avec une légèreté de chaton de saule et un silence de martin-pêcheur… C’est merveilleux !!…
Et je me retiens, bêtement, devant les pêcheurs devant lesquels je passe, de rire comme un gosse pour extérioriser ma joie.
Je comprends le sens du mot béatitude.
Cela peut paraître ridicule, mais c’est ainsi et crois n’avoir jamais ressenti une belle plénitude de joie : je suis sur l’eau, avec mes engins de pêche, dans un canoë à moi, qui matérialise tous mes vœux, il fait très chaud (vive l’été !) et le soleil s’amuse à jeter milles reflets dansants sur l’eau verte, (du vert que j’aime et qui symbolise la pêche pour moi) et le paysage est si joli… Je repense à une phrase de Bollaert (dans « Les Lettres de mon Moulinet ») : « J’aime la perfection et la désire parfaite… »
Des remous puissants font danser les nénuphars à mon approche et décèlent des poissons qui s’y embusquaient.
Et je commence à pêcher…
De-ci, delà, le long des herbes, auprès des souches, sous ces branches. Presque tout de suite une ablette. Je ne suis plus bredouille mais me serait moqué de l’être après avoir jouit du bonheur dont je parle plus haut. Ensuite, un petit gardon, que je remets à l’eau, près des racines du grand arbre abattu au confluent du tout petit bras mort et du bras moyen. Encore une ou deux ablettes puis arrêt complet.
Je m’amarre à deux perches et rôde le long de nénuphars où, à 5 ou 6 mètres, j’aperçois des remous significatifs : ce sont des carpes (25 à 35 cm) qui se reposent de la grosse chaleur sous les ombrages des nymphéas (c’est ainsi, je crois, que les savants nomment les nénuphars). Je leur présente un asticot à 10 cm devant le nez sans qu’elles l’engament.
A ce moment survient en bateau un voisin bavard qui tient absolument à tailler une bavette et qui, de plus, me pousse maladroitement en me heurtant vers les nénuphars où s’abritent « mes » carpes. J’ai le temps de les voir, à moins de deux mètres, qui font la sieste. Je distingue quatre à cinq mémères qui elles aussi m’ont vu car elles coulent dans les profondeurs sombres avec un battement puissant de leur large queue.
Le voisin importun m’abandonne et je continue à descendre le courant jusqu’au lac du bras moyen où je m’amarre à une fiche et pêche et je pêche, sans résultats, près du grand arbre branchu couché dans l’eau.
Ensuite, je tâte du triangle de nénuphars du grand bras, près du confluent du petit bras au clocher. J’attrape encore un gardon à remettre à l’eau et une ablette. Et ce sera tout pour mon ouverture…
En revenant, je rends à Saint Pierre deux ou trois ablettes conservées vivantes dans mon seau de toile.
Bref, pêche très médiocre quant au total définitif des poissons. Mais, le total des impondérables ! La joie que j’ai ressentie, les photos que j’ai prises et qui illustreront mes souvenirs si elles sont réussies, les paysages que j’ai contemplés, la divine odeur de rivière qui m’imprègne… Tout cela est-il négligeable ?
D’ailleurs je suis plein d’espoir quant aux résultats futurs de la pêche en bateau que je ne faisais qu’essayer aujourd’hui. Peut-on cesser d’être un débutant en une seule séance ? Je me perfectionnerais et mes « tableaux » s’en ressentiront.
L’essentiel est de se mouvoir avec le moins de bruit et de remous possibles et d’arriver sur les tenues du poisson avec une discrétion de fantôme.
Alors, un lancer de précision… C’est tout.
Avec de la pratique je dois arriver.
Mais assez de discours, et du nerf ! Il doit être tard à en juger par les ombres qui s’allongent ; et je ne suis pas encore arrivé !
De l’énergie dans la pagaïe :
« Une .. deux… Une… deux… »
- En cherchant la carpe
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- Automne