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Première croisière au long cours du Martin Pêcheur

15 juin 194630 juin 2019, Bourgogne Carnet 2 Carnet 3 Franche Comté
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Franche-Comté – Bourgogne | 15 Juin – 7 Juillet 1946

 

15 juin – date tant attendue. J’ai devant moi trois semaines de camping-canoë-pêche avec mon vieux coéquipier Jean Blier…

L’auto engloutit nos bagages et, dans Paris matinal nous roulons vers la Gare de Lyon. Il y a loin de la coupe aux lèvres, place de la Bastille, nous devons nous arrêter pour changer un pneu crevé. Ceci sous l’œil étonnement intéressé d’un quidam aux réflexions idiotes (il est remarquable de noter combien stupides vous paraissent les raisonnements d’un quelconque spectateur quand on remonte une roue à une voiture alors que l’on sait que l’on a un train à prendre). Heureusement nous sommes en avance et avons nos places réservées.

Sans autre anicroche nous arrivons à la Gare où mon père nous accompagne jusqu’à notre wagon. Nous casons, sans trop de difficultés, notre pourtant volumineux bagage et ayant fait nos adieux à Papa nous attendons le Départ.

8h05 ! Nous partons ! Horreurs de la banlieue industrielle. Laideurs de la banlieue d’habitation. Après seulement, simple beauté de la campagne.

Nous traversons la Forêt de Fontainebleau ce qui nous remet en mémoire la vision d’un camp récent que nous y fîmes. Puis voici Morêt. Encore une vadrouille, en mémoire, il n’y a guère longtemps, pourtant c’était la Première.

Notre train roule à bonne allure. Voyage agréable où la conversation ne languit pas, alimentée de nos projets, de nos espoirs, de nos questions…

Les essieux du wagon chantent, toujours sur le même rythme : les-va-canc’s-les-va-canc’s-les-va-canc’s-…

12h35 – Dijon, changement de train. Petite anxiété à la vue des deux seuls autorails où la S.N.C.F optimiste jusqu’à l’inconscience espère faire entasser une foule hélas importante et, surtout, encombré abondamment de valises et colis divers.

Bagarre farouche, mâchoires serrées ! Cris ! Appels ! Hurlements ! Réclamations ! Crocs en jambes ! Jeux de coudes ! Sauvagerie…

Nous nous retrouvons à l’intérieur avec une de nos deux gourdes en moins, mais nous y sommes ce qui n’est pas si mal eu égard de ceux qui restent sur le quai.

Et puis c’est l’arrivée tant espéré à Besançon où le « Martin-Pêcheur » nous attend sagement depuis quelques jours. Après quelques formalités nous en prenons possession et, y arrimant notre matériel, nous descendons vers la ville où nous devinons le Doubs, là-bas, au fond. Après quelques menues courses nous arrivons à la rivière. Premier contact ! Assez engageant, ma foi, n’était ce la couleur de l’eau exagérément jaunie par la crue. L’eau ne court pas : elle galope…

Malgré les présages de mort dont nous sommes gratifiés par les spectateurs qui paraissent assez bien médusés de nous voir prendre l’eau par une telle crue, nous embarquons de suite ce qui fait que nous ne connaitrons pratiquement rien de la Ville de Besançon qui semble pourtant jolie quant au peu que j’en aperçus : la Porte Battant, la Rue Battant, la Rue du Petit Battant, le Pont Battant.

Après quelques centaines de mètres nous abordons pour vider le canoë qui, desséché depuis longtemps a tendance à se transformer en baignoire flottante. Puis c’est le premier barrage ! Impressionné terriblement par le moutonnement du rapide qui j’aperçois après la ligne de crête je préconise un portage ou une passée à la corde. L’un puis l’autre s’avérant impossibles, nous charriotons après une laborieuse sortie de l’eau au long d’un mur verticale de 80 cm de haut.

Après deux cents mètres environ, nous reprenons le Doubs qui roule entre des collines que malgré notre enthousiasme nous n’osons appeler montagnes.

Bientôt nous apercevons une écume formidable dont le poudroiement nous annonce un second barrage qui gronde comme la mer au ressac mais avec une sonorité ininterrompu des plus impressionnantes pour les pauvres lutants que nous sommes. A la base de la dénivellation il y a un creux d’une importance non négligeable et, les jambes molles, je m’imagine me débattant au milieu de ces tourbillons (Teller-Saug und Stosswirbel de Joseph Kroener, Chenu dixit). Une fois encore, charriotons.

Nous défilons entre des paysages que l’homme semble avoir mis un point d’honneur à tenter d’esquinter avec ses maisons et ses usines, mais ce n’est encore que la banlieue de Besançon en somme, et dès Beurre, le paysage s’épure.

Nous discutons longuement, Jean et moi, la hauteur de ces presque-monts.

Nous camperons tout contre le Doubs qui mugit un peu en aval sur le barrage de Gouille.

La tente dressée nous inaugurons une moustiquaire neuve et nous essayons également ce premier soir une nouvelle manière de coucher qui me donnerait toute satisfaction sous réserve que je rapetisse d’une vingtaine de centimètres, l’extrémité de mes jambes paraissant nettement gênante.

Bientôt c’est le silence et le sommeil sous Pascaline.

16 Juin – Dès le déjeuner terminé nous allons effectuer une reconnaissance approfondie du Barrage de Gouille à peine entrevu hier soir. C’est encore un trop gros morceau pour nous décidai-je ; à son pied se creuse un remous menaçant. En aval, l’eau, indignée de l’entrave que l’homme lui impose manifeste sa colère en vagues et contre courants multiples. Dire qu’hier, j’avais jugé « çà » franchissable ! Il est vrai que la rivière ayant descendu, la dénivellation doit être plus accusée qu’hier. Je capitule une fois encore. Même passer à la corde serait difficile avec la rapidité du courant, peut-être même impossible.

Nous aviserons donc, mais, auparavant, nous allons tâter de la rivière en tant que pêcheurs. Jean monte une ligne à plume et moi un Buldo, et au milieu des roseaux qui garnissent la rivière en queue d’une petite île nous attaquons à l’asticot.

Ainsi que bien souvent, Jean me surclasse par le nombre. Il prend même un gardon assez beau, quant à moi j’esquive la bredouille avec quelques ablettes et spirlins.

Mais comme dans l’ensemble çà ne mord plus guère, nous abandonnons ce joli coin et nous dirigeons vers le barrage par le bras de gauche qui m’inspire autant de méfiance que l’autre. Nous portons sur le déversoir à sac. (A sec ? Façon de parler car à ce moment un orage éclate et pluie et grêle nous sont généreusement distribuées). La pèlerine de Jean et mon anorak sont étrennés avec reconnaissance.

Le ravitaillement de Besançon étant consommé, nous nous mettons en quête de quelques légumes. Nous n’en trouverons qu’à Avannes après quelques démarches infructueuses sous une pluie qu’un ciel correctement bouché nous promet persistante. Mais hormis de rares légumes, rien à trouver ici, me confirme un gars occupé à engloutir un camembert entier à même sa boite…

Le barrage d’Avannes forme un vaste « V », mais malgré ce présage… Victorieux, je me dégonfle (une fois de plus !) et malgré les exhortations de Jean et ses regrets nous charriotons à travers Avannes où un lavoir à moitié immergé nous offre un refuge réduit contre la pluie qui vient de s’arrêter mais qui menace fort de « remettre ça ». Ici au moins, si nous n’avons guère de place, nous et notre Martin-Pêcheur sommes à l’abri. Ravitaillé en bois par eau (Jean étant resté en bateau pour m’en fournir et ne pas m’encombrer) j’ai vite fait de confectionner une potée qui embaume.

Nous n’avons guère de place…
Nous n’avons guère de place…

Il fait bon manger quelque chose de chaud après s’être fait mouiller, car si nos imperméables protègent avec conscience nos épaules et le haut de notre corps, ils laissent au bas de nos anatomies le soin de se prémunir elles-mêmes de la pluie, aussi mon short est-il copieusement trempé.

Pendant notre déjeuner à l’abri la pluie avait cessé, maintenant que nous quittons le toit de notre lavoir, elle reprend ! Merci Saint Médard !

Après quelques minutes de navigation sur un Doubs de plus en plus boueux et débordant, Jean me demande « pour la forme », « nous n’avons pas oublié nos cannes, au moins ». Je pousse un juron qui pour n’être pas élégant n’en traduit pas moins fort bien mon angoisse. En effet, comme nos cannes toutes montées nous gênaient au moment du repas, je les avais placées dans un recoin, sous la toiture du lavoir où elles sont restées … si « le mondes sont honnêtes » (Maurice- Constantin Weyer, dixit).

Comme le courant est trop rapide pour être remonté, j’irai à pied : à peine 1 ou 2 km.

Profitant d’une éclaircie je vais en me répétant que j’ai toujours eu de la chance et que je dois retrouver les cannes. Se prétendre pêcheurs et oublier ses cannes ! Même pas de pêchaillons…

J’arrive à Avannes sous la pluie qui tombe à nouveau comme on la voit tomber, trop droite et trop abondante, dans les scènes tournées en intérieur dans les studios au cinéma.

Comment atteindre le lavoir isolé comme une île dans l’eau en crue ? Ce bateau est-il inaccessible ? Grâce au ciel sa chaîne n’est pas cadenassée…

Pour la forme, je demande à des spectateurs qui d’un balcon couvert regarde avec étonnement et curiosité le foin qui se promène sous un tel déluge :

« Je peux prendre le bateau ? Pour… »

Le reste de la phrase est un vague bredouillis car je n’ai pas de temps à perdre pour leur expliquer toute mon histoire. Ils n’ont compris qu’une chose : je veux utiliser la barque et leurs gestes larges signifient sans doute « pas à nous, peut pas savoir ». Il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, aussi bondissant dans l’embarcation j’hurle dans la pluie un grand « Merci, M’sieu-dames » et désenchainant mon navire en route vers le lavoir ! Qu’importe les décalitres d’eau qui au fond du rafiot baignent mes pieds trempés, je viens d’apercevoir nos cannes ! Les prendre, replonger dans ma baignoire, regagner la rive, y sauter (dans les orties) rattacher la chaine : c’est l’affaire d’un moment. Et je pars retrouver Jean.

Avannes, blottit au pied de ses collines et surmonté d’un arc en ciel est un bijou et son clocher qui comme tous ceux du pays ressemblent à ceux du Tyrol, est une merveille rustique.

Maintenant le ciel est nettoyé et c’est par un temps ensoleillé que nous allons, glissant sur les méandres du Doubs qui revient sur ses pas ne pouvant se résoudre à abandonner le site d’Avannes.

Tout d’un coup nos cœurs battent plus fort : notre premier rapide s’offre à nous.

Il me parait très respectable et doit avoir environ 100 mètres de long. Sans avoir le temps de ranger nos cannes encore toutes déployées, nous l’abordons…

Avannes, blottit au pied de ses collines…
Avannes, blottit au pied de ses collines…

Ça danse ferme et je pagaie dur avec, au cœur une petite angoisse délicieuse. A part quelques éclaboussures qui font le charme de la chose, tout se passe sans incidents.

Après cet intermède, un deuxième rapide s’annonce mais avant de l’aborder nous ferons halte pour nous ravitailler à Rancennay. C’est un mignon village perché à flanc de coteau où je déniche quelques patates et un morceau de pain non sans difficultés car il n’y a pas de boulanger ici.

Je rejoins Jean et après une reconnaissance du second rapide qui est plus modeste que le premier, nous repartons et passons à l’extrême droite.

Nous approchons de l’endroit où nous allons quitter le Doubs pour rejoindre la Loue et soudain une crainte m’envahit : la route que j’ai aperçu à notre gauche alors que nous franchissions le premier rapide n’était pas celle-là qu’il fallait prendre ? Après examen de la carte notre erreur se confirme : nous avons dépassé la N83. Heureusement, un peu en aval, il nous reste un chemin dont les méandres aboutissent aussi à la Loue. Nous y arrivons bientôt et un petit affluent nous aide à sortir le Martin Pêcheur de l’eau.

Après de sérieux efforts nous voici sur la route avec notre ami en bois sur son chariot, et comme nous attaquons la première côté la pluie se remet à tomber. Qu’est-ce que nous allons transpirer sous nos imperméables !

Petit à petit nous montons et cela ce révèle moins dur que je le craignais. Par contre Jean pousse de moins en moins énergiquement : le pauvre vieux est crevé, il mouche et renifle tout qu’il peut et comme nous avons les pieds trempés il craint une grippe ou au moins un corriza « maison ». Aussi pour qu’il récupère un peu je continue seul le charriotage du Martin Pêcheur pendant qu’il me suit en maugréant plus ou moins sur l’inutilité de poursuivre plus avant. Mais moi qui ai en tête depuis deux jours de camper sur une hauteur d’où l’on puisse découvrir la vallée, je continue dans la nuit qui est maintenant complètement tombée.

Après pas mal d’efforts j’arrive enfin à la N83 où le charriotage devient moins pénible. Nous sommes assez haut et le brouillard qui monte nous situe la vallée de la Loue. Dommage que l’obscurité nous cache le paysage. Vivement demain et le jour !

Enfin, la route se met à redescendre et il est grand temps de trouver un coin où camper. Hélas nous ne voyons que du fourrage… Que faire ? Nous ne voulons pas indisposer les paysans à notre égard en abimant leur foin mais je suis maintenant presque aussi crevé que Jean et nous optons pour un pré qui semble moins hautement touffus que les autres.

Quels beaux points de vue sur la Loue !
Quels beaux points de vue sur la Loue !

La tente montée à « la va-vite ».

Un rapide diné froid.

Ronflements.

Au matin du 17 juins je suis horrifié de notre lâcheté d’hier soir. Fallait-il que nous soyons fatigués pour monter ainsi en plein fourrage ! Et à chaque passant sur la route je m’attends à une sévère admonestation. Comme Jean partage mon sentiment, nous plions en vitesse et nous déjeunons tout en chariotant. Quels beaux points de vues sur la Loue ! Après 3 km environ nous arrivons à Chenecey où nous embarquerons car impossible de le faire avant bien que nous longeons la rivière depuis plusieurs kilomètres. Comment, en effet, rouler ailleurs que sur les routes avec ces prés dont la pente est si abrupt. A moins d’être alpinistes…

Avant la mise à l’eau une tournée s’impose dans le village car les vivres baissent. Je nous procure pain, saucisson et fromage. Ce dernier est un superbe Port Salut, entier, et d’un prix fort avantageux ce qui me fait augurer favorablement du ravitaillement du pays. J’en expédierais bien un, mais comme il n’y as pas de poste dans le pays et que j’hésite à transporter deux roues de Port Salut, je remets cet envoi à plus tard (Jamais une telle occasion ne se présentera plus : il ne faut pas remettre au lendemain, ce qu’on peut faire le jour même !).

Nous étant installés à Chenecey pour y déjeuner, nous n’arrivons à faire cuire notre gamelle qu’après des heures d’efforts tant le vent souffle fort. Agréable contrepartie du zell : nos affaires mouillées depuis longtemps sèchent rapidement accrochés à une barrière.

Nous quittons ensuite le coin pour aborder les seuils de la Loue dont l’un d’eux s’est révélé à nous ce matin déjà, du fond de la vallée.

Jusqu’à présent, novices en canoë sportif, le mot de « seuil » nous intriguait. Maintenant nous voici renseignés : nous passons le premier après une longue reconnaissance en aval (et un repérage minutieux : nous passerons à gauche de… à droite de… entre … etc.). Finalement nous le franchirons au hasard la vue depuis l’amont différent totalement de celle depuis l’aval.

Premier seuil : plaisir, excitation, angoisse délicieuse… un léger talonnage vient encore ajouter à notre fierté, nous laissant imaginé que nous venons d’échapper à des dangers redoutables…

Ensuite de modestes rapides et des seuils amusants sont franchis sans encombre si bien que nous en sommes au deuxième degré de l’apprentissage : après la crainte injustifiée, la confiance aveugle en nos soi-disantes capacités. Aussi, sautons nous, sans même le reconnaitre, un barrage assez honorable pour des novices, et ceci en « embarquant » copieusement : Jean est trempé, moi, en tant que barreur, je suis indemne.

Ecopage… En route…

Bientôt il est l’heure de songer au camp et nous nous établissons près de Chay-Chay, sous les frênes, après que notre prudence (ou notre couardise) nous en chassé d’un coin qui aurait été idéal s’il n’avait été partagé avec des bovins.

Après un diner confortable et une courte rêverie devant la Loue toujours si belle, nous rentrons sous la tente

Le 18 juin au matin, nous arrivons à Quingey jolie petite ville où l’abondance du ravitaillement nous permet de faire une petite provision de graisse de cuisine, et avec ça : légumes, viandes, etc. Sauf des fruits. Jean trouve ici son premier courrier, rien pour moi. Bizarre ! Ma mère si épistolaire d’habitude…

Le barrage de Quingey est peu aidé à franchir, à moins que tout à fait à droite… Mais par ce temps couvert (il pleut même par moments) nous ne nous soucions pas de chavirer, aussi, nous chariotons à travers la ville.

Après un ou deux kilomètres, nous voici à Lavans-Quingey village où Jean a une adresse où se procurer des fruits : quelle aubaine. Recommandé par Môssieu le Receveur des Postes de Quingey, il ne pouvait que réussir dans sa mission : il revient des fraises plein sa musette.

Nous déjeunons dans le coin en nous laissant admirer par la fermière qui est venu avec son mioche pour lui faire voir « la barque de ces Messieurs ».

« Douce joie de la popularité », comme dit Jean qui aime à citer le Docteur Jaubert.

Départ.

Nous parcourons un pays charmant mais moins sauvage qu’au début, les collines s’abaissent, la vallée s’élargit. Quant aux coins de pêche ils sont épatants, mais, ici la Loue est, presque partout propriété privée et, d’autre part, phénomène curieux, sous l’action des paysages splendides que nous traversons, Jean et moi nous sentons moins pêcheurs que touristes et randonneurs, plus canoéistes que disciples de Saint Pierre. Aussi c’est sans grandes difficultés que nous observons les règlements et que nous ne pêchons pas en ces eaux splendides (mais encore boueuses). Quoiqu’au ver…

Comme nous manquons d’eau, nous faisons une courte escale après le pont de X…, baptisé par nous « Pont Pisseux », en raison du dégoulis qui s’écoule du fait d’une de ses arches. Sur la rive gauche, au village de … je vais chercher de l’eau après une courte averse qui ne nous chaut peu abrités que nous sommes sous nos imperméables d’une part et d’autre part sous un énorme ormeau qui nous couvre nous et notre Martin-Pêcheur.

Comme je suis à proximité d’une ferme j’y entre pour demander s’il y a moyen d’avoir un peu de lait. Après un court conciliabule dans un patois merveilleusement incompréhensible avec son mâle, la femme de l’antre crasseux où j’ai pénétré me dit d’attendre. Quelques instants après elle me tend mon bidon en me gratifiant du plus gracieux sourire que ses deux ou trois dents restantes lui permettent d’adresser.

Aujourd’hui nous sautons plusieurs barrages, notamment celui de Belle-Fontaine, notre plus haut à ce jour, 80 cm environ (mais après combien d’hésitation !)

Nous camperons ce soir sur le versant d’une colline, en vue de rennes, où nous hissons notre matériel le Martin-Pêcheur seul restant en bas plus ou moins camouflé  dans un buisson.

Quelle vue splendide nous avons !

Derrière nous le soleil doit se coucher dans une apothéose à en juger par les rayons qui font se découper la crête de la colline où nous campons en une magnifique ombre chinoise. Dommage que nous n’ayons pas le temps de grimper là-haut !

Mais, heureusement la vue par devant nous compense largement et que l’on regarde vers la gauche où s’enflamment des nuages irréels ou à droite où le village de Rennes se dore aux lueurs du couchant, c’est toujours aussi beau.

Et ce soir, grâce à la portière ouverte, sans sortir de la tente, je jouis encore longtemps avant de m’endormir de ce merveilleux coin de France, mes yeux le discernant encore dans « l’obscure clarté qui tombe des étoiles ».

Pas bien difficile !
Pas bien difficile !

19 juin – Nous quittons notre nid d’aigle (j’exagère parfois !) pour nous embarquer vers midi.

A Rennes un barrage nous arrête : allons le reconnaitre. Après quelques instants de reflexions Jean le déclare « pas commode ». Un indigène nous crie du haut du pont : « Il y a un mauvais passage »…

Moi si couard aux premiers barrages j’ai donc bien changé que je le déclare : « Pas bien difficile ! ». Quand je pense que le guide nautique ne conseille pas de le sauter ! Pour les autres aussi, d’ailleurs il recommandait le charriotage et… nous avons sautés. Nous passerons soit dans ce bras en amont des herbes, soit dans l’autre à l’extrême gauche !

Galvanisé par ces paroles Jean est d’accord. Une première fois nous avançons… Trop à gauche ! me crie Jean … Demi tour à grands coups de pagaies et nous revenons dessus plus à droite … Trop lentement, mal dans l’axe (sacré barreur !). Une grosse pierre sur la ligne défaite… Nous talonnons durement… Le Martin-Pêcheur gite à gauche d’une manière inquiétante… Je me porte à droite… l’avant plonge… Plongeons…

Quand je remonte à la surface j’entends Jean haleter comme à l’arrivée d’un marathon. Se noierait-il ? Non, car bientôt je m’aperçois que je fais de même. L’explication : l’eau glacée nous oppresse par ce bain malgré tout inattendu.

J’ai rattrapé les deux pagaies qui, par chance, n’ont pas dérivées dans le courant. Sans succès nous tentons de remonter dans le canoë (Une expérience ultérieure nous démontrera l’inutilité de cette manœuvre, un canadien plein d’eau ne coule pas mais est aussi instable qu’un tonneau), et tout d’un coup je sens le fond.

« Nous avons pied ! » fais-je à Jean qui barbotte fort honorablement pour un débutant nageur surtout que nous sommes tout habillés.

Reprenant pied, nous stoppons le Martin-Pêcheur qui marque quelques velléités de continuer vers l’aval mais le tapis mousse, sur lequel mon coéquipier pagayait à genoux, file gaiement au fil de l’eau. « Nous l’aurons plus tard » dis-je optimiste (en réalité ce fut la dernière vision que nous eûmes de lui).

Pendant que nos affaires sèchent…
Pendant que nos affaires sèchent…

Et d’écoper vigoureusement, qui avec une casserole, qui avec un seau en toile, tout en chantant les « Gars de la Marine » ce qui peut paraitre opportunité discutable.

Heureusement, le tapis mousse mis à part, tout le matériel était soigneusement arrimé : rien n’a bougé.

Une fois notre canoë un peu près vidé, en route pour la petite île après le pont. Nous y abordons et de la gymnastique, un peu de calvados et le travail à fournir pour étaler nos affaires pour les faire sécher ont vite fait de nous réchauffer. Le sac mathurin, mis à part, tout est trempé ! Y compris mon Gallus qui suinte de l’eau et a sa lentille embuée.

Pendant que nos affaires sèchent, sous un providentiel soleil, qui vient fuste de se montrer, je pars au ravitaillement. Hélas que trouver dans un hameau qui n’a aucun commerçant pas même un boulanger ? J’arrive cependant à réunir du pain, des œufs et des allumettes (les nôtres sont désastreusement mouillés).

Un déjeuner chaud achève de nous ragaillardir et pendant quand Jean retourne les affaires pour les faire sécher comme viande sur gril, je tente quelques photos avec mon Gallus qui parait sec. Il n’en est pas de même malheureusement du Brownie Kodak de Jean qui semble avoir souffert de son plongeon.

Et le soir tombe sur une équipe qui se dit non sans fierté « Nous ne sommes plus des débutants, car comme l’a dit Jaubert (toujours lui !) : Il faut avoir chaviré ! ». D’ailleurs notre moral qui n’a pas faiblit ne fait que s’affermir touché par la grâce de la Providence qui nous a fait chavirer dans un coin si jolie.

En effet, dans le crépuscule l’endroit est magnifique et les vieilles maisons qui bordent la Loue viennent témoigner que l’œuvre du « parasite humain » peut être harmonieuse parfois. Des troupeaux rentrent à l’étable mais on pourrait croire qu’ils se promènent uniquement pour le plaisir de faire tinter les cloches aux sons si charmants qui ornent le cou de vaches.

Nous nous glissons dans nos sacs maintenant secs et nous endormons, avec dans les oreilles, le bruit du barrage qui gronde à quelques mètres de nous.

Le 20 juin – Je me lève de tôt et, pendant que Jean dort encore, je prépare le petit déjeuner. Puis c’est le départ d’assez bonne heure.

Aujourd’hui nous naviguons sous le soleil et c’est le torse nu que je pagaie (imprudence regrettable dont les effets… mais n’anticipons pas).

Nous portons sur le Barrage de Belle-Fontaine dont la gardienne nous accueil peu civilement. Nous verrons par la suite que le pays entier semble avoir les nerfs tendus et maudire les « étrangers » à cause d’une colonie de vacances (la Colonie de Mouchard) qui ne sut pas se faire aimer.

A Port-Lesney (prononçons Port-Léné) un courrier assez abondant nous attend. J’y réponds en rédigeant mes lettres assis dans le M.P. pendant que mon dos commence à me cuire. Sacré Phébus ! J’en avais perdu l’habitude !

Nous déjeunons dans un petit paradis de galets, de saules et d’eau très pure. Ce n’est qu’au départ que je m’enduirais de saindoux et de beurre plus ou moins rance. Mais il est trop tard pour échapper aux coups de soleil et le seul avantage ( ?) de mon procédé est de puer cordialement.

Après une courte halte pour faire eau (et quelle eau : pas trop trouble mais riche à souhait en aninacules diverses) nous arrivons au barrage de Champagne.

Rendus prudents par notre expérience de Rennes, nous décidons de le passer à la corde.

Jean qui barre par extraordinaire depuis ¼ d’heure prend un peu trop à gauche (après ma maladresse de Rennes, nous voila quittes). Nous sommes tous deux à la crête du barrage e, déversoir et maintenons le M.P qui s’engage trop à gauche… lutte contre une souche. Pourrons-nous le faire passer à droite ? Hélas, la bosse arrière est trop courte et notre pauvre canoë privé de ses maitres titube de bâbord à tribord pour finalement se mettre en travers. « C’est la fin, dis-je, honteux de le voir chavirer si peu glorieusement ». Jean qui n’a peut-être pas réalisé encore l’imminence du naufrage me dit « Attention, il s’emplit ! » Mais comment l’en empêcher, maintenant ? Crac ! C’est le chavirage…

Pendant que mon coéquipier court vers l’aval où il attrape et fixe adroitement la bosse avant à une branche, je m’arcqueboute sur la ligne de crête d’où je maintiens l’arrière. Quelle tension sur l’amarre ! A deux reprises je me vois presque entrainé.

Jean me faisant signe que la bosse avant est solidement assujetti à une branche, je lâche… Le M.P pivote dans le courant et s’y coince en travers sur une grosse pierre. Par chance les pagaies ont pu être récupérer avant de s’en aller au fil de l’eau.

Nous commençons alors un laborieux déchargement de notre canoë dont tout le chargement pèse bientôt trois fois plus, imbibé d’eau à saturation : Jean titube pour trainer les sacs à dois que j’ai peine à lui passer.

Mon copain n’est guère rassuré : « Si une bosse cède, tu seras balayé par le canoë… » Tout fiévreux de mes coups de soleil je travaille un peu comme un rêve, la tête lourde et les jambes molles.

Enfin, tout étant sur le plancher des vaches je me poste à l’aval pendant que Jean coupe les amarres : si le M.P passe hors de sa portée à ce moment, je me jetterais à l’eau et l’aurais.

Alors c’est le miracle. Sous l’action du courant, dès que la bosse est coupée, notre canadien se sort de l’eau, de plus en plus, se vide de lui-même et tout d’un coup l’autre amarre se rompt… Je vais me jeter à l’eau pour rattraper notre embarcation quand je la vois tourner dans un remous… et se ranger dans une petite crique où Jean bondit et s’en rend maître.

Nous peinons encore un quart d’heure environ pour sortir nos affaires du petit bras vaseux où elles sont provisoirement empilées et chaque voyage comprend une sorte de ramping sous des branches épineuses à souhaite. Et avec mes coups de soleil sur le dos !

Il est trop tard pour faire sécher notre matériel et s’en servir pour la nuit. Ah ! Si nous pouvions trouver une grange où coucher ! Pendant que Jean tord, essuie, éponge, je traverse la Loue en canoë pour parlementer avec le meunier d’en face et savoir où trouver un toit. Le bourg le plus proche, Arc-et-Senans (Arc et S’nan, comme on dit ici) est à 2 ou 3 kilomètres : il faut le rallier à tout prix, nous trouverons bien un hôtel, une chambre, une grange… un lit à cochons…

Entassement rapide dans le canoë. En route ! Nous atterrissons dans un bras d’alimentation au cœur d’une scierie. Débarquement difficile. Chariotage où je me révèle crevé. Charitablement Jean me rappelle qu’il y a …

Quelques jours, entre Doubs et Loue, je chariotais seul pendant sa défaillance. J’accepte avec soulagement sa gratitude, car j’ai les jambes en coton, la tête en plomb et mon dos n’est qu’un brasier.

Après pas mal de difficultés voici un hôtel qui nous offre nourriture et gite.

Devant des œufs au plat, un fromage et une bouteille d’Arbois nous faisons le bilan du naufrage : si je m’en tire bien, Jean, moins chançard, y laisse sa cape imperméable, qui a été rejoindre le tapis mousse, et son kodak qui a glorieusement péri dans les eaux.

La nuit, troublé par un cauchemar où je me verrais broyé sous la roue d’un moulin à eau, je pousserais des cris si sauvages que nos deux malheureuses voisines croiront que l’on m’assassine…

Le 21 juin, un vent chaud et vif souffle en dépit du ciel plombé et nos affaires ne sèchent pas mal. La matinée se passe donc en réparations du naufrage et en menues courses ainsi qu’une partie de l’après-midi. Ce n’est que vers 16 ou 17 heures que je demande l’addition. Coup au cœur ! Il y en a pour 780 francs. Et comme je m’étonne on me précise que le pourboire n’est pas compris et que le vin d’Arbois est responsable de ce coût astronomique.

Après les coups de soleil, le coup de fusil…

Nous regagnons la Loue en épiloguant sur cet intermède hôtelier qui marquera autant dans nos mémoires que dans nos porte-monnaies.

Evidemment nous ne pouvions quitter le Jura sans connaitre (et apprécier) le vin d’Arbois, mais quand même !

Nous ne naviguons pas longtemps aujourd’hui, car il est bientôt temps de camper et un coin ravissant s’offre à nous.

Pendant que Jean prépare le home, je vais à Cramans où, malgré le peu de générosité des habitants je me révèle assez bon mendiant.

Après un bon diner nous retrouvons avec satisfaction notre abri de toile à la suite de notre onéreuse expérience hôtelière.

Mes coups de soleil vont mieux et la petite pluie qui commence aura le temps de s’arrêter dans la nuit.

22 Juin – Non, elle ne s’est pas arrêtée et nous avons ce matin un vilain ciel plombé qui nous cache la « Montagne » (nous avons baptisé ainsi un mont assez élevé, m. nous indique la carte, que nous ne cessons de voir depuis 3 jours que les méandres de la Loue nous promène autour de lui).

Je retourne à Cramans où je fais provisions ayant dès à présent mis au point une histoire de chavirage des plus touchantes et qui commence à porter ses fruits : pain (sans tickets : j’ai perdu une carte) œufs, lait, fromage.

Nous passons la journée cloîtrés sous la tente sauf deux sorties pêchatoires où nous nous faisons tremper à tour de rôle pour de maigres résultats. Je prends une vaudoise et un vairon. Dans une rivière à truites ! Misère.

L’eau monte et c’est bientôt l’inondation des berges basses qui disparaissent rongées par le flot limoneux. Nous nous occupons en belottes, goûters, collations, five o’clocks, déjeuners, lunchs, dîners, soupers, etc.

Peut-être demain fera-t-il beau ?

23 Juin – Pluie encore. Je retourne à Cramans où je commence à être connu. J’y constitue un colis familial : de crèmes de gruyère et je reviens chargé de provisions. J’ai trouvé du pétrole grâce auquel nous ne toucherons plus à notre ultime réserve de conserves comme hier et qui permettra d’absorber quelque chose de chaud. Hélas ! Dans quel état ne se trouve pas notre batterie de cuisine après son utilisation sur un réchaud à pétrole de ma fabrication !

Enfin vers 15 heures : éclaircie. Nous bondissons, plions la tente, rangeons le matériel et en route ! Nous prenons l’eau. Et quelle eau !

La Loue en crue galope, jaune et menaçante, rongeant ses rives qui s’effritent ou s’écroulent par moments avec un « floc » assez lugubre. Déchaînée, elle renverse les obstacles qui s’opposent à sa course folle. Un barrage presque effacé par la crue nous impressionne cependant par son débit de turbine hydro-électrique et son opacité oppressante. Nous traînons le M.P. au travers d’une île presque submergée et reprenons la descente.

La rivière se rue à 15 ou 20 à l’heure entraînant une multitude de débris : souches, buissons, arbres, foin fauché et, pour la 3ème fois dans le mois elle étonnera les riverains par sa crue d’été qu’il n’avait pas vu depuis onze ans, parait-il.

Nous dévalons à toute allure sous l’œil étonné de quelques spectateurs qui nous considère comme des suicidés.

Après une heure environ de cette allure de bolide où plus d’une fois nous avons vu venir sur nous à une vitesse inquiétante, telle souche, telle rive, ou telle pointe amont d’île semi-noyée, nous atteignons Ounans où, à un coude de la Loue, des lames intimidantes déferlent comme dans un bras de mer.

Des lames intimidantes déferlent….
Des lames intimidantes déferlent….

« Vite échouons-nous à gauche, on ne peut pas passer ça… »

Une première manœuvre rate. Vite nous tentons un deuxième échouage… gare aux piquets immergés… nous les frôlons… nous sommes passées… l’eau calme nous porte. A terre ! Sauvés !

Jean va à la poste et durant ce temps, m’habituant à ces lames qui m’effrayaient si fort, je décide de les franchir, car ici un chariotage serait pénible. Au retour de mon ami je ne peux lui faire partager mon projet et finalement, c’est en charriotant que nous passons le pont qui enjambe la rivière non sans une certaine grâce malgré son modernisme.

Pendant que Jean est au ravitaillement je monte la tente près de ce petit bras. Un indigène m’en dissuade car la Loue nous inonderait cette nuit à l’allure où elle monte m’affirme-t-il. Je démonte et remonte plus loin. Après un dîner dans l’obscurité c’est le sommeil.

Je me suis procuré un lapin…
Je me suis procuré un lapin…

24 Juin – Le ciel est presque complètement dégagé et un chaud soleil sèche ce qui était encore humide dans nos affaires. Sur les sages conseils de Jean, nous tombons d’accord pour faire un camp fixe quelques jours en attendant que la crue soit apaisée.

Nous passons près du petit bras (affluent plus exactement) où nous avions primitivement planté notre tente, les journées des 24 et 25 juin. Nous occupons nos loisirs à la pêche (peu fructueuse), au ravitaillement (à Ounans, Santans et Viller-Farlay) et à la cuisine. Je me suis procuré un lapin et fricote un civet que fera époque dans nos vacances.

Dans la matinée du 26 juin, nous repartons dans le soleil qui ne nous quittera plus maintenant. Jean, qui le considère comme son Dieu triomphe de moi, qui ai déifié l’Eau. Mais maintenant que mon dos qui pèle me conseille la prudence, je me méfie de Phébus.

Nous défilons au milieu de paysages charmant ou grandioses mais tous terriblement halieutiques et pourtant nous pêchons si peu.

Nous allons bientôt arriver au confluent de la Loue avec la Cuisance, mais sur la rivière encore grosse les bras d’inondation se confondent avec les affluents. Trompés par cette ressemblance, nous nous fourvoyons dans une sorte d’arroyo tropical. Enfin, croyant trouver l’insaisissable Cuisance, nous campons sur les rives d’un cours d’eau qui, nous n’apprendrons ensuite, n’est encore qu’un bras de la Loue : les Mortes Grappes.

Ce soir-là, nous faisons connaissance avec les moustiques. Oh !

Odieux. Supplicieurs. Infernaux. Terribles. Diaboliques. Affolants. Démoniaques. Sauvages. Horribles.

Aucun adjectif ne me parait suffisant pour qualifier comme elles le mériteraient ces damnées bestioles !

Ce n’est que par une activité volontairement fébrile et ininterrompue où les bras et les jambes sont sans cesse en mouvement qu’on peut leur échapper, partiellement, un ô combien !

Et toujours ils visent (et atteignent !) le point du corps qui n’est pas agité de sursauts épileptiques : la nuque, les oreilles ou la saigné du genou. Le tube d’Insectol est le bienvenu. Hélas son action bienfaisante n’est que momentanée et nous devons avoir recours à l’enfumage pour nous préserver un peu de ces sacrés diptères !

Nous suffoquons bien un peu mais nos ennemis, eux, doivent capituler. Et le bois mouillé de fumer abondamment…

Une fois la tente close par notre brave moustiquaire (ça fait tropical, exotique, aime à dire Jean) nous assassinons avec volupté les imprudents cousins qui se sont aventurées sous notre toit.

Bénies soient les moustiquaires efficaces !

27 Juin – Le matin, nous oublions avec soulagement les moustiques invisibles à cette heure et nous levons le camp.

Après un peu de lancer sans résultats dans les Mortes-Grappes (et pourtant, quels coins !) nous reprenons notre descente.

Après un barrage sauté et salué par le désormais rituel « Fonsnick… Fonsnick … Fonsnick … Yop ! » un bras secondaire nous tente, mais nous devons bientôt reculer devant les moustiques qui rendent la pêche impraticable à moins d’avoir une dose de patience ou de mépris pour leurs piqures que nous ne possédons ni l’un ni l’autre.

Nous déjeunons sur une gravière en plein soleil, où nous jouissons en connaisseurs de l’absence des affolants cousins.

Un peu de pêche au Buldo nous rapporte seulement quelques vairons, vaudoises et chevesnes minuscules.

Jean promène sans succès, ses cuillers pourtant irrésistibles.

Leur heure revenant avec le soleil qui baisse, les moustiques nous chassent de ce coin si charmant aux allures de plage de Loire.

Au milieu du courant nous sommes hors de leur atteinte et pagayons avec entrain et énergie sur cette eau redevenu si claire.

Un barrage qui n’a même pas l’excuse de sa beauté nous oblige à sortir le M.P. de l’eau car le sauter est impossible.

Nous arrivons alors à Parcey, dernière agglomération sur la Loue avant son confluent avec le Doubs.

Pendant que Jean va à la poste, me protégeant de mon mieux contre les sempiternels moustiques, je renouvelle ma provision de vers et retourne un coin de rive d’un mètre carré avec mon couteau pour tout outil. Ce travail de Romain me procure quelques vermisseaux rachitiques.

Jean de retour, nous passons sous le Pont de Parcey et campons dans un pré fauché où les moustiques (toujours eux) sont si nombreux et si belliqueux, qu’ils m’énervent au point, fait remarquable, que je me mets en colère contre Jean qui discutait l’utilité de l’achat d’un paquet de cigarettes (cigarettes = fumée = moustiques en fuite). Jean va au ravitaillement pendant que, gesticulant comme un possédé pour éloigné les satanées bestioles, je monte la tente et prépare le diner.

Mon compagnon ne reviendra qu’à la nuit avec d’incroyables histoires à me conter : le confluent Loue-Doubs n’est qu’un vaste marécage portant le nom encourageant de « Mortes » et où les moustiques règnent en maitres, où la vase est traitresse en diable, etc. etc. Le confrère canoéiste local dont il tient ces renseignements viendra nous rendre visite ce soir, après diner. Il arrive en effet, escorté d’un gosse avec qui j’ai déjà, tout à l’heure, taillé une bavette en attendant Jean. Notre nouvel ami apporte aussi une bouteille de Morgon auquel Jean fait grand honneur (dans le louable dessein de préserver notre connaissance d’une cuite déjà en bonne voie de réalisation, me confira-t-il, plus tard).

A la lueur de notre feu qui rougeoie, ce confrère nous conte ses traversées des Mortes.

« Si vous mettez pied à terre, vous êtes fichus : 8 mètres de vase est courant. Un aspect de marigot équatorial. Je connais le Tchad : c’est kif-kif. Des moustiques plus gros et plus féroces qu’ici (où il y en a déjà le double de sur les Mortes-Grappes que je baptisais hier : l’endroit le pire que j’ai jamais vu !). Par contre, aventure unique à vivre en France. Coin prodigieux. Ancienne ville perdu dans les marais. Le prestigieux Pays des Goubaux ! »

Nous décidons de tenter la chose, et, notre narrateur parti, nous nous endormons en rêvent de paysages de l’époque primaire dans des marais géants aux reptiles étonnants au milieu d’une flore tentaculaire.

28 Juin – Je vais à Parcey me procurer des vivres pour cette expédition redoutable. J’en reviens avec la ferme conviction que notre homme d’hier soir n’est qu’un hâbleur à l’imagination méridionale (il est pourtant Suisse).

Les personnes à qui j’ai parlé des Goubaux me les ont décrits comme un coin très faisable et nullement si terrifiant. Le vétérinaire chez qui, toujours sur les conseils de notre Suisse, j’allais chercher un produit anti-moustique à base d’huile de cade, m’a répondu en souriant discrètement que les Mortes n’étaient guère plus « emmoustiquées » qu’ici (A noter qu’à Parcey, les habitations ont, presque toutes, une porte en grillage, genre porte de garde-manger. C’est tout dire !).

Et dans Parcey ensoleillé sur qui veille sa mignonne église, j’ai la quasi certitude que le compatriote de Guillaume Tell est, sinon un menteur, du moins un imaginatif.

Je rejoins Jean, et tout en pêchant, nous nous laissons dériver vers l’inconnu sitôt avalé notre rapide déjeuner.

Je sors deux vaudoises honnêtes et d’autres plus petites quand la Loue (encore un peu haute et rapide) nous force à rentrer nos cannes des obstacles se présentant : souches et arbres déracinés sont nombreux par ici.

Bientôt nous sommes tout à la manœuvre et abordons les Goubeaux.

Notre Suisse aurait-il dit vrai ? Plusieurs bras s’éloignent du lit principal. On nous a recommandé de toujours prendre à gauche. Après une fausse direction nous revenons sur nos pas, non sans peine, et reprenons ce que nous espérons bien être le bras principal. Il s’étrangle entre des ilots de plus en plus nombreux. Le courant reste très rapide et des souches s’embusquent à fleur d’eau, des troncs entiers obstruent la route : nous faisons du slalom. A gauche, à droite. Finalement nous sommes bloqués dans une impasse.

Au fond de ce cul-de sac, le courant s’engouffre sous un amoncellement d’arbres qui bouchent complètement le lit de la rivière. Et sur des centaines de mètres nous apercevons le même spectacle. Quand on a vu ce que la Loue en crue pouvait charrier on comprend l’inextricabilité de ce chaos.

Notre suisse n’avait pas menti.

Quant aux marécages, il est fort possible qu’à force de se diviser en autant de bras l’eau perde son courant et meurt en marigots.

Pour ce qui est des moustiques, il n’est que 15 heures (heure de repos, donc) et quelle activité !

Et nous devons faire demi-tour.

Ce qui nous demande des efforts considérables pour remonter ce terrible courant. Nous y parvenons en nous accrochant aux rives là où la pagaye n’est plus assez rapides. Jean entre dans l’eau jusqu’à mi-corps pour nous traîner aux passages délicats.

Enfin, nous voici en eaux moins vives où nous souffrons un peu.

Nous arrivons à Parcey vers 18 heures après avoir tantôt poussé, tantôt tiré le canoë la où la pagaie se révélait peu efficace.

Avant de charioter vers Dôle où nous rejoindrons le Doubs, nous nous octroyons chacun une demi-heure de pêche pour essayer le Buldo.

Des chevesnes et surtout des vaudoises se laisseront tenter par la sauterelle.

Combien cette pêche serait amusante si les damnés moustiques nous fichaient la paix !

Après un rafraichissement à Parcey, à la boulangerie – épicerie – articles de pêche – parfumerie – mercerie – buvette où le M.P. obtient un franc succès de curiosité, nous partons vers Dôle et le Doubs, à 8 km environ. Nous rencontrons avant notre départ, notre Suisse à qui nous expliquons notre échec devant les Goubaux.

C’est le chariotage jusqu’à Villette-lès-Dôle où après avoir passé à la laiterie nous camperons, ô horreur ! à 10 mètres de la Nationale.

La ville, qui, tout de suite, nous ravi
La ville, qui, tout de suite, nous ravi

Alors que nous dinons dans l’obscurité, deux pandores à qui nous devons sembler suspects nous demandent nos papiers. Comme nous sommes en règle (C’est une des rares fois où nous avons demandé l’autorisation préalable de camper !) nous exhibons fièrement nos cartes d’identité et je pousse même le luxe jusqu’à montrer ma licence de campeur.

Visiblement impressionnés par ce document assez mystérieux pour eux semble-t-il, nos gendarmes deviennent aimables au point de nous adresser la remarque d’usage du Mathieu compatissant « Vous ne devez pas avoir chaud, la nuit… ».

Peu de temps après, nous dormons.

29 Juin— Après un chariotage sans histoire nous arrivons à Dôle où, dans les faubourgs, nous faisons emplette de fruits si difficiles à trouver jusqu’ici. (même des bananes !)

Et puis c’est le magnifique coup d’œil sur la  ville qui, tout de suite nous ravit avec sa collégiale massive dominant les vieilles maisons espagnoles. Quand je pense au Suisse revu (encore une fois) ce matin sur la route avait décrété Dôle « peu intéressante hormis quelques vieilles maisons et la cathédrale ».

Une fois n’est pas coutume, nous décidons de déjeuner au restaurant pour avoir loisir de visiter la ville. C’est d’abord un pittoresque gamin qui pêche « à la harpette » les ablettes se pressant par milliers dans le canal, puis d’autres spectacles nous attirent.

Ah ! les jolies maisons si pittoresques sous le soleil ! Et ces sculptures, et ces grilles ouvragées qui vous surprennent à chaque coin de rue ! Je n’oublierai pas de sitôt la cathédrale devant laquelle nous nous extasions longuement et dont les vitraux feraient la joie de Rébicoff, ce photographe en couleurs que nous admirons Jean et moi.

Le porche, monumentale comme une œuvre de la nature, me remémore cette remarque de Chenut, je crois : « une forêt fait songer à une cathédrale, alors que les cathédrales évoquent les forêts. ». Cette collégiale est magnifique : immense, (mais sans être lourde comme les Salines d’Arc dont la masse colossale dégageait une oppressante impression de ville morte) elle semble veiller sur Dôle.

La Pomme d’Or, nous confirme dans notre impression que Dôle est un paradis : dans un cadre agréable nous faisons un bon déjeuner à un prix raisonnable.

Après déjeuner nous continuons notre visite dans Dôle où nous effectuons quelques emplettes. Et puis, n’oublions pas les amis : ample moisson de cartes postales.

Et à chaque instant, au fond d’une rue, par-dessus un pâté de maison, surplombant un square : la collégiale.

Une courte visite à une de ces appétissantes pâtisseries dôlaises et allons chercher le M.P. au garage où nous l’avons confié. Pour parfaire notre excellente impression de la cité, l’aimable propriétaire nous annonce que son garage est gratuit.

Pas une seule désillusion dans cette ville charmante. Et nous reprenons la rivière après un dernier adieu à Dôle « gracieuse en son séjour ».

Est-ce la chère trop copieuse ? Le manque d’exercice ? L’air de la ville ? Toujours est-il que cet après-midi je me sens patraque et pagaie sans vigueur.

Un infranchissable barrage nous oblige à un chariotage qui m’est bougrement pénible, surtout que notre pauvre « carrétou » donne des signes évidents de lassitude, le malheureux ! Une rapide réparation lui permettra, je l’espère de tenir jusqu’à à Châlons.

Ce soir nous camperons dans un coin qui, avec son sable, son soleil et ses « ranchs » me rappelle avec persistance ma chère Loire.

30 Juin – Ce matin, après notre départ, nous montons de suites les Buldos et, cherchant en vain un barrage fantôme mentionné dans le guide nautique, nous faisons une assez honorable friture. Jean pique au traine-bûche (au vermisseau, dirait-on ici) un gros chevesne qui occupera une place savoureuse dans le déjeuner que nous prendrons sur une charmante plage après un bain si agréable dans un tel site.

Par endroits les gravières « font » Loire d’une manière frappante.

Nous continuons une descente enchanteresse sur une rivière sans danger, mais vive et limpide assez pour nous rappeler qu’elle est la même qu’au fameux Saut du Doubs et à Pont-du-Roide, noms prestigieux…

Aujourd’hui nous accomplissons une longue étape sans fatigue et même, par forfanterie, devant certains spectateurs, nous poussons des « sprints » furieux.

Ce soir nous campons non loin du Pont de Peseux où les moustiques, sans atteindre l’intensité de Parcey, sont, cependant, très suffisamment agressifs à notre gré. Jean prend son diner environné d’un nuage de fumée (vive l’herbe verte !) aussi jouit-il d’une tranquillité relative, mais moi, émoustillé par les chasses multiples (perches et brochets) qui claquent un peu partout, j’essaie de lancer.

Je dis bien « j’essaye », car, si ma figure est à peu près à l’abri des odieuses bestioles (… cigarettes) mes bras et mes jambes en prennent pour leur compte : je dois bientôt capituler… et bredouille.

Vite j’expédie un repas froid et, prenant à peine le temps d’admirer le merveilleux coucher du soleil, au lit !

1er Juillet – Lever à 6h20. Malgré l’exemple d’un pêcheur local qui, avec une gaule immense, tente la pêche au vif, c’est au Buldo et à la sauterelle que nous opérons tout en nous laissant descendre le courant. Et nous massacrons les chevesnes qui payent pour les carnassiers qui dédaignaient hier nos cuillers pourtant si tentantes.

A Longuy, nous cherchons notre courrier à la poste. En débarquant, j’ai brisé un de nos pagaies et cherche vainement un menuisier qui veuille nous la remettre en état. Tant pis, nous continuerons avec une seule pagaie !

Après un bain agréable (pour Jean seulement car je suis en pleine digestion après avoir absorbé une canette pour « faire couler » des figues sèches trouvées à Longuy) nous déjeunons près d’une rive à pic. Nous nous apercevons soudain que celle-ci est habitée par une colonie d’abeilles maçonnes. Faire du feu dans ces conditions ? Nous nous y risquons vu l’heure tardive et notre paresse naturelle. Rendons grâce aux Dieux, il ne se passe rien de fâcheux, ni de piquant.

A quelques centaines de mètres de nous, des vaches s’abreuvent dans la rivière et s’essayent à fabriquer un chrono pour almanach des P.T.T., pendant que plus loin des chevaux en liberté sur une gravière campent une vue camarguaise saisissante.

Nous reprenons l’eau et le Doubs nous prouve qu’il est encore capable de nous émouvoir autrement que par sa beauté tranquille. Les ponts, très souvent sautés, sont remplacés par des bacs glissant le long de câbles qui rasent la surface de l’eau : fâcheux pour les canoéistes peu attentifs. Nous manquons de peu de chavirer sur un de ces filins et le scion de ma canne a eu affreusement chaud !

Nous campons près de Lays où les moustiques nous retrouvent comme de vieilles connaissances.

Un orage gronde sur nous et s’il ne nous arrose que de quelques gouttes seulement, il nous offre par contre, un saisissant spectacle de féérie où le paysage se découpe en noir sur un ciel de sang et d’or.

2 Juillet – Ce matin Jean est patraque et il incrimine la soupe au poisson que j’ai confectionnée hier soir. Est-ce une injure la trouvant mal cuisinée et indigeste, ou un compliment l’estimant trop bonne et avouant s’en être gavé jusqu’à l’indigestion ? Mon amour-propre me pousse à faire litière de la première hypothèse…

Après un laborieux ravitaillement à Lays je pique une tête dans le Doubs et déjeune seul, Jean étant à la diète.

Nous partons vers 14 heures 30 et pagayons et pêchons à tour de rôle jusqu’à Mont-lès-Seurre après une halte à Navilly (courrier abondant).

A Mont-lès-Seurr, nous nous laissons admirer (le mot n’est pas trop fort) par un groupe d’indigènes dont l’un nous compare à Alain Gerbaut qui passa par ici, parait-il.

Le soir je me couche avec un mal au cœur qui me fait craindre que la soupe au poisson, après tout…

Jean feint de partager mes convictions et en route pour le chariotage. Pourvu que le carrétou tienne le coup ! S’il nous lâche au cours de la dizaine de kilomètres environ qu’il y a à faire, nous allons en baver, soit dit sans élégance…

Après une longue étape de 13 kilomètres sous un soleil cruel, nous arrivons à Châlons et à sa plage forte bien agencée, vers 18 heures…

Après une baignade qui nous délasse de nos efforts du chariotage, nous montons notre camp sur la rive gauche à proximité immédiate de Châlons (exactement dans son faubourg de Saint-Marcel). Pendant que je dresse la tente, Jean négocie l’achat d’un peu de bois chez des bonnes ( ?) gens qui prennent le frais sur le pas de leur porte. Il se heurte à un refus catégorique… et pourtant quelques instants après, ayant su que nous ne sommes pas des « gars de Châlons » mais des Parisiens, le brave homme, car c’en est un maintenant, nous apporte l’abondance : une brassé de bois.

Nous nous couchons bercés par les flons-flons d’un orchestre qui joue sur la rive d’en face.

Châlons
Châlons

5 Juillet – Quelle transformation chez nos gens qui hier nous refusaient un peu de bois ! Ce matin on nous apporte café sucré et pain beurré sous la tente comme des offrandes à des divinités ! On nous offre d’utiliser la cuisinière et quand j’affirme hardiment connaitre fort bien La Varenne Saint-Hillaire dont ils sont originaires, nous devenons les meilleurs amis du monde. Leur générosité s’étend alors à me promettre l’envoi de beurre à Paris.

Versatilité des foules…

Je vais au ravitaillement à Châlons où je trouve penty de fruits, légumes, viande et découvre cet amusant écriteau à la devanture d’un bistrot « On peut eppouter sa marande » Traduction facile !

Après un déjeuner cuit sur la cuisinière de nos nouveaux amis les Augagneur, nous partons embarquer le Martin-Pêcheur, et, le pauvre, nous le laissons dans une laide gare de marchandise où sa coque, qui a connu la Loue et le Doubs, doit se dessécher de tristesse et d’ennui plus que de manque d’eau.

Et maintenant visitons Châlons, ses vieilles maisons, son enceinte romaine (ce qu’il en reste), ses ponts (dont un assez curieux en partie détruit) un coup d’œil à l’obélisque et une visite au Syndicat d’Initiative où l’on nous recommande une promenade à Givry. Nous décidons d’y camper ce soir.

Nous rentrons donc chez les Augagneurs où, après un repas de civilisé (pris à une table et cuit sur une cuisinière) nous reprenons nos bardas que nous y avions laissés et en route après de chaleureux adieux à nos amis et leurs connaissances.

Il est près de 20h30 et comme nous arrivons dans Châlons même que nous devons traverser, une des bretelles du sac de Jean casse…

Horreur, où trouver un bourrelier à cette heure ?

Un premier nous refuse la réparation, un second est malade. Heureusement sa femme nous tire d’affaire. Mais il est près de 21h30 quand nous partons pour la Forêt de Givry.

Marche pénible avec un barda de canoéistes sur des épaules de pedestrians : une musette me scie le cou pendant que Jean est embarrassé des cannes à pêche.

… fervent hydrophile…
… fervent hydrophile…

Dans la nuit, nous campons à proximité de la Forêt de Givry après une longue marche dans le noir.

6 Juillet – Après d’infructueux efforts pour nous procurer du lait nous déjeunons en vitesse et ayant rangé rationnellement nos accessoires nautiques, désormais inutiles, depuis le « mathurin » jusqu’aux « nautoniers » (Il s’agit de vieilles chaussures avec lesquelles nous marchons dans l’eau et baptisées « chaussure de nautoniers » puis, par abréviation « nautoniers »  tout court.), nous partons pour Givry.

Balade en forêt, malheureusement le temps se couvre et nous craignons la pluie après un déjeuner près de la « Fontaine Couverte ». Mais non, rien ne tombe.

Nous arrivons à Givry où le vin est rare bien que le crû soit réputé. Par contre, nous trouvons des bananes. Régal oublié ! (Quoiqu’à Dôle… mais Dôle est un paradis extraterrestre). Gentil village aux fontaines multiples et pittoresques, auxquelles je rends hommage en fervent hydrophile. Nous quittons ce joli bourg pour prendre la route de Châlons où notre train part demain matin vers 10 heures.

Campement à proximité de la ville, à laquelle nous tournons le dos pour jouir du beau coucher de soleil qui magnifie le couchant.

Notre dernier camp de vacances…

Pourtant, pas de mélancolie, tant nous sommes sûrs d’en connaître d’autres.. plus tard.

Avenir.

Espoir.

7 Juillet – Réveil matinal pour attraper le train qui part bientôt. Je range le matériel pour combien de temps ?

Sur la route nous chantons (enfin, nous faisons du bruit avec la bouche…) et arrivons à la gare assez en avance pour écrire encore un peu de courrier et flâner dans Châlons.

Et c’est l’embarquement dans le train où nous rencontrons des compagnons assez sympathiques : un méridional accompagne à l’harmonica une Belge qui fredonne quelques chansons agiles, pendant que l’officier américain qui est avec elle est plongé dans un bouquin en anglais dont je déchiffre quelques lignes : une histoire d’Indiens et de cow-boys pour enfants de 10 à 12 ans…

Dijon
Dijon

Curieuse assemblée en ce wagon !

Nous repassons à Dijon (de célèbre mémoire, voir plus haut à l’aller…) à Beaune, le long de l’Yonne, pendant que, penchés sur les cartes Michelin achetées à Châlons, Jean et moi échafaudons déjà des projets pour l’an prochain.

Loire ? Taru ? Vienne ? Dordogne ?

Les vacances sont mortes…

Vivent les vacances !

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Comments (1)

  • Daniel Keller 9 août 2022 at 14 h 33 min Reply

    Bonjour monsieur, j’ai découvert il y a déjà quelques mois avec surprise et ravissement le récit de votre descente de la Loue en Canoé avec un ami en 1946. Bien sûr lors de votre périple vous êtes passé au confluent du Doubs et de la Loue appelé (ceci en est le nom correct) Les Goubots (et non les Goubaux) . Vous évoquez aussi Longuy-sur-le-Doubs (en fait la bonne orthographe est Longwy-sur-le-Doubs). J’ai 63 ans et Il se trouve que les Goubots (surtout dans leur version datant d’après les travaux de canalisation du confluent au début des années 60 fut le lieu de baignade favorite de mon enfance, des cousins à moi y ayant bâti 2 guinguettes (l’une avant (1958) et l’autre après (1965) les travaux du confluent). J’y retourne régulièrement tous les ans et depuis des mois passe mon temps à rechercher tous documents anciens concernant cet endroit (entre autre à la médiathèque de Dole qui en 1946 était l’hôtel dieu que l’on voit sur une de vos photos) , alors c’est peut-dire que votre récit exceptionnel m’a intéressé! Avez vous d’autre photos concernant votre descente de la Loue en plus en plus de celles publiés ici? Toutes infos complémentaires de votre superbe récit m’intéresseraient grandement, d’avance merci. Cordialement. Daniel Keller

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